Edenac...
La cité était bouleversée, et l'ordre qui y avait été établi par la lignée Louvelle depuis son arrivée en Edenia devait l'être aussi. Edenac, qui n'avait toujours vécu que par l'asservissement d'une foultitude de gens venus de tous horizons différents par une classe de patriciens militaires et tout-puissants voyait cet ordre s'ébranler, s'écrouler.
Les armées d'Eestnaph, que chacun désormais appellait "le Malveillant" malgré les dénégations d'Earan, qui prétendait que le massacre de la cité avait permis à Edenia de se libérer d'un Tyran, d'un monstre en la personne d'Andom, les armées d'Eestnaph, donc, avait décimé - et bien plus encore que la notion originelle du terme - les rangs des Patrices, et donné aux anciens serfs une position de force, en plus de la souffrance de voir leurs familles et leurs rares biens partir en fumée par la faute de cette noblesse guerrière et turbulente.
Très rarement, l'ancien centre de la cité avait été rebâti ; le peu d'or restant avait été consacré à cette reconstruction, cette réélévation du centre historique de la cité, les Patrices esperant conserver les avantages qui étaient les leurs il y a peu de temps encore.
Morsès avait continué à régenter, tant bien que mal, la cité. Autour de lui s'étaient regroupés les nostalgiques des temps ou le baton guerroyait à tout vent, des temps ou la cité avait conquis et s'était aggrandi sans cesse. C'est aujourd'hui, dans un beffroi prestemment rebâti en lieu et place de l'ancien "Hostel de Commune" ou Andom avait naguère retiré tout droit aux Bourgmestres, que se réunissaient les Patrices rescapés. Selon toute logique, ils devaient l'élire, lui, seigneur d'Edenac ; n'avait-il pas été le maistre de la ville durant de nombreuses années ou le baron s'était délaissé de toutes choses ? Qui plus est, il était son frère bâtard, et celà permettrait de conserver un Louvelle, fut-il d'Oyakka, comme seigneur d'Edenac.
Sa première oeuvre en tant que seigneur, d'ailleurs, serait de faire rendre justice ; et d'Earan, qui devrait finir écartelé en place publique et ses restes pendus aux quatre coins de la cité, mais aussi des seigneurs pillards qui profitait de la déchéance pour marchander et ruiner la ville par un blocus honteux, cette dernière ne recevait d'ailleurs plus aucune marchandise depuis de nombreux mois.
C'est ce qu'il exposa, benoîtement, devant l'ensemble des Patrices ; formalité que cette élection, qui le verrait confirmé dans son rang et, même, elevé à celui de seigneur. Puis il posa la question rituelle ;
"Y-a-t-il céans quelqu'un qui s'oppose à ma reconnaissance ?"
Earan, le premier, se leva, au fond de la salle. Pour être traître, il n'en était pas moins Patrice, et continuait à posséder autour de lui plusieurs Patrices qui s'étaient enrichis de leurs négoces avec d'autres fiefs. Lui aussi était candidat ; il prétexta, le félon, avoir toujours été des chevauchées du défunt Baron, mais avoir toujours voulu s'opposer à ses folies. Andom souhait-il attaquer un seigneur que, selon lui, il s'y opposait toujours ; mais en privé, bien entendu, afin de ne pas le vexer en public, de façon à ce qu'aucune personne ne puisse témoigner de ses dires. Il aurait été à l'origine de nombreuses paix, mais, la guerre ayant été évité, il était normal qu'on be connaissance pas son rôle.
Grande chance que les deux camps soient tant éloignés, car sans doute ils se seraient joyeusement étripés ; les épées, d'ailleurs, étaient fermement tenus au pommeau.
Gaewan, en sa qualité de représentant et régent temporaire des condottières, notait sur un registre tout ce qui se disait. De telle sorte que, malgré toute la bonne volonté de Morsès de refuser ce concurrent inattendu mais si peu surprenant, la candidature du traître fut enregistré. Chacun comprit dès lors qu'il était possible de se présenter ; après tout, Morsès n'en pourrait vouloir qu'à Earan, et les autres y verraient une façon de bien montrer leur puissance.
Ce fut Oemen, donc, qui se leva. Gros et gras bourgeois, à jamais ambitieux, il désirait donc la seigneurie ! En qualité de Prévôt des Marchands, disait-il, il connaissait toutes les clés de l'économie, et c'était par l'économie, selon-lui, qu'Edenac se redresserait.
- Hé, oui, messer Prévost, mais aussi donc, pourquoi la ville est-elle bloquée, mise au ban du monde, et que par la faute des seigneurs Roldaëm, SaintLess et d'Ulthuan, plus aucune marchandise ne rentre ni ne sort ? N'est-ce pas vostre fonction, que d'empêcher cette situation ? Vous faillissez comme prévost ; jamais ne serez seigneur
A cette attaque, l'échevin répondit, et il n'avait pas tort, qu'il possédait des centaines de clause, de moyens, de stratégies, bref, toutes les ficelles du commerce pour parvenir à contracter fort avantageusement, voir même à enrichir la cité, mais que, par pingrerie sans doute, ne lui étaient attribués aucun homme pour mettre en place ses campagnes commerciales. Morsès n'eut même pas à répondre ; il ne restait en lieu et place des faubourgs surpeuplés d'autrefois, que quelques poignées d'habitants...
Tous les regards convergèrent vers Edacin, le Sénéchal. Beaucoups esperaient qu'ils se portent candidat, et sans doute aurait-il été élu comme seigneur d'Edenac, tant sa gloire et sa lignée était glorieuse en Edenac. N'avait-il pas été le fils du vieux bourgmestre qui avait permis à la cité de s'enrichir, et n'était-il pas fervent traditionnaliste ? Mais il ne se présenta pas, et fixait simplement du regard la table des condottières, ou Gaewan continuait à enregistrer chaque parole.
- Nul autre candidat ? demanda Morsès. Soit ; les premiers votes auront lieu demain...
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