Castel Kalhyotes

Le retour des beaux jours avait quelque peu aidé à l'oubli du précédent.
Plongée dans de nombreux écrits, toujours à la recherche de plus de connaissances, de plus d'informations, Totone passait son temps dans la pièce principale du Castel, devant la cheminée, posant ses écrits sur un immense bureau jonché de textes, de lettres, et de parchemins.

Divers seigneurs l'avaient affrontée, peu avaient eu à en être fiers. Tour à tour la Dame de Cheverny il y avait un moment de cela, qui s'était crue en position d'égalité avec elle, et avait vite déchanté, puis maintenant le seigneur Lejuste, qui venait lui réclamer des comptes sur ses agissements.

Cela la faisait rire, égayant quelque peu sa vie morne et monotone.

La réussite de son entreprise était certainement du au pacte tacite de non-agression qui s'était établi entre elle et le sieur Delandir, quasiment depuis le début.

Ils ne s'étaient jamais rencontrés, jamais parlé, et pourtant... ils ne s'étaient jamais affrontés non plus.

Quelques peu voisins même si quelques terres d'autres seigneurs les séparaient, une sorte de bienveillance réciproque s'était établie entre le seigneur et la dame.

En y réfléchissant plus avant, Totone se rendait compte que cela n'était pas normal, mais impossible d'y trouver une quelconque raison, et comme l'arrangement était fructueux, elle n'allait pas s'en plaindre.

Plongée dans un écrit de l'histoire de ce pays, elle fut interrompue par l'entrée d'une servante. Totone n'était pas modèle de mansuétude, mais n'était en rien cruelle tant que l'on ne lui avait rien fait. Ses différents serviteurs et hommes d'armes ne se plaignaient pas de son caractère sombre, mais toutefois égalitaire et respectueux de chacun, quel que soit son rang.

Dame, un messager m'a apporté ceci., dit une servante en tendant un rouleau.

Merci.
Tu peux retourner à tes taches.

Ouvrant le rouleau, elle y lut de sombres nouvelles.
Pourquoi le sieur Delandir, qui selon ce qui se racontait, dévastait sans compter autour de lui, pouvait ce jour avoir un quelconque besoin d'elle ?

Elle n'était pas en reste en terme de puissance, mais les funérailles de son défunt maitre lui avaient fait un moment délaisser ses affaires, et un retard évident était présent.

Qu'est-ce qui lui arrive... Tous les seigneurs ou presque sont partis dans leurs résidences d'été, et le peu qui reste est de bien maigre substance. Les temps ne sont pas florissants pour le commerce, mais quel danger peut bien nous veiller ?

Comme à son habitude, la décision fut vite prise. Elle ordonna au premier servant qu'elle croisa de seller son cheval, monta dans ses appartements, y prit quelques écrits dont elle ne voulait se séparer, manda sa servante personnelle de préparer un léger bagage, et quelques minutes plus tard, elle était en selle, partant vers Castel Arel, du meilleur galop de son cheval.

La mort de seigneur Delandir avait sonnée, son plus proche allié avait décliné puis était parti, dans sa folie.

Restait encore et toujours une petite puce, qui sautillait aux oreilles de Totone. Une gamine capricieuse qui semblait n'en faire qu'à sa tête, couverte par son frère, un certain Andom.

Les choses évoluaient, tout changeait, et désormais, Totone en avait assez d'être miséricordieuse avec une perfide demoiselle.

C'était désormais la deuxième fois que Totone voyait ses marchands revenir penauds. Intercepté sur le chemin du retour par ceux de la demoiselle, ces derniers les avaient feints et leur avaient volé le fruit de leur labeur.

La diminution de la progression du fief s'en était largement ressentie, d'autant que l'affront était des plus cuisants.

Laissant tout de même une dernière chance à la demoiselle Louvelle, Totone ne réagit en aucune sorte.

Le lendemain, aux alentours du Zénith, Thétys était repassée, mais cette fois bien plus "timide". Seuls deux contrats étaient partis.

Mais les choses avaient changés.
Levant la tête pour chercher du regard son intendant, elle le fit approcher :

Envoyez des marchands sur les terres de la benjamine Louvelle, et ce, jusqu'à ce que nous ayons recouvré nos pertes, celles d'hier comme d'aujourd'hui.

Je veux donc voir sur ma table, le plus tôt possible, 39 contrats. Prenez le temps qu'il faudra, je m'en moque. Si par hasard, les marchands ramènent trop de contrats, nous lui rendrons le surplus. Nos marchands cesseront d'aller sur les terres de cette demoiselle dès lors que nos frais seront recouvrés.

Une étincelle mauvaise s'alluma dans les yeux de la Des Fossés.
L'affront allait être réparé, quoiqu'il en coute une fois de plus, et le goût de la vengeance lui était doux.

L'intendant revint, quelques heures à peine plus tard.

Madame... ?

Relevant la tête d'un oeil agacé, Totone relâcha néanmoins la tension de son visage dès lors qu'elle le reconnu. S'il osait la déranger, c'est que cela était important.

Oui ? Qu'y a-t-il ?

Les marchands sont revenus madame. Il on ramené 36 des 39 contrats qui vous avaient été spoliés. Cependant, il semblerait qu'il ne nous soit pas possible de faire plus pour aujourd'hui.

L'homme semblait craintif. Cela étonna d'ailleurs Totone, qui ne se souvenait pas l'avoir jamais malmené.

Vous comprenez, j'ai du être très... convaincant avec nos marchands pour qu'ils y aillent, et rapidement. Ils se souviennent encore des morts des leurs lors des attaques de la Louvelle d'il y a un mois. Ils craignent les représailles...

Il se tut, se rendant compte d'avoir un peu trop parlé. Elle l'observa d'un oeil amusé. Mieux valait laisser parler les autres plutôt que de devoir poser des questions, le résultat n'étant jamais meilleur qu'en écoutant simplement.

Bien... Nous dirons que nous avons été remboursés. Laissez donc la Louvelle tranquille. Elle sait maintenant à quoi s'en tenir, je suppose. Quoiqu'avec un tel caractère, elle puisse encore se plaindre de ne nous avoir pas totalement remboursé, du moins dans l'esprit.
Et rassurez nos marchands. Le jeu des alliances est maintenant rentré en compte. Il y a peu de chances que nous subissions autant de pertes que la dernière fois.
Et... pensez à les remercier.

D'un signe de tête, il était congédié. Quelques instants, elle resta songeuse, mais se remit finalement à ses travaux.

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