[Palais du Gouverneur] Une ère s'achève

Nuit du 8 au 9 Keithan 70

Le palais du gouverneur n'est jamais aussi solennel qu'au coeur de la nuit, plongé dans le silence et les ombres. Seuls témoins de vies, quelques torches éclairent le chemin aux ombres allongées des sentinelles. Garde en faction nocturne est une fonction profondément épuisante, non pas par la dureté de la tâche, ni par excès d'ardeur, mais par l'ennui mortel que signifient ces nuits passées à attendre l'aurore et la réanimation des couloirs du bâtiment gouvernemental.

Peu de chose ne vient troubler le travail de ces veilleurs qui ne voient jamais personne, hormis leurs semblables durant leurs rondes, et parfois un chat. Rares sont les nuits troublés dans le palais au coeur de Sâr. Les veilleurs qui, pour la plupart, n'ont jamais vu d'autres terres que celle environnant la capitale de la colonie, s'imaginent que, probablement, la tâche est plus importante, et plus ardue, dans ces lieux sous la menace perpétuelle d'une attaque ennemie, voire indigène.

Dans l'aile des appartements privés, quelques coups frappés fermement sur la porte tentèrent de tirer l'illustre gouverneur de son sommeil. Malgré l'heure tardive, la sentinelle doubla l'appel et prononça d'une voix feutrée :

Gouverneur, réveillez-vous !

Edénia était sous le joug d'une menace... la menace d'une décision prise par les instances en place à Sâr... Alors que les villes brûlaient et que les seigneurs de guerre savouraient le plaisir de prononcer des "Vive Télamon" en lui octroyant la responsabilité des hécatombes. Femmes, enfants, vieillards, hommes, huantars, ils formaient un champ de cadavres et les bannières guerrières partaient au loin laissant des terres de désolations... Le Conseil était là aussi... Pendu.

Gouverneur, réveillez-vous !

Télamon ouvrit les yeux d'un seul coup...

Ses muscles étaient tendus ; il serrait ses draps avec force, plissant la soie et les fourrures au pied du lit. Il avait mal à la tête après avoir serré ses mâchoires avec tant de violence...

Il se leva nu.

Arrivant à la porte, il prit une toge blanche qu'il sertit avec dextérité et ouvrit la porte, ses longs cheveux lui donnant un aspect tout autre, bien plus guerrier que l'homme élégant d'habitude.

Bonjour soldat...

La sentinelle salua respectueusement le gouverneur. Il se sentit soudain gêné. Sa formation lui avait appris à tenir une hallebarde, à patrouiller et surveiller un palais et éloigner tout inopportun, mais le message dont il était porteur n'était pas l'une de ses prérogatives, normalement. Les mots se bousculaient dans sa tête comme s'ils souhaitaient tous sortir en premier de la porte que formait sa bouche.

Le garde prit une profonde inspiration avant de se lancer, tout bégayant et hésitant.

Gouverneur, pardonnez mon intrusion... C'est que... J'ai une raison importante de déranger votre personne... Sinon je n'oserai pas, pensez bien...

L'homme se rendit compte que non seulement il ne faisait que retarder l'instant fatidique de l'annonce, mais en plus, tant de balourdises devait irriter au plus haut point un homme aussi influent que Télamon.

Seigneur Télamon, je suis désolé... d'avoir à vous l'apprendre entre deux portes... et au milieu de la nuit...

Gouverneur... Votre conseiller... Taegus... vient de décéder. Je suis désolé. Le médecin est encore à son chevet, si vous souhaitez...

La sentinelle, comme tous ceux qui travaillaient ici de jour ou de nuit, connaissait les liens profonds qui unissaient le gouverneur et son conseiller.

Je suis désolé...

Le garde se tut, n'ayant rien à ajouter et ne souhaitant pas paraître offensant. Il s'écarta de la porte mais resta à proximité, conformément à son rôle de garde de la gouvernance, prêt à agir à un signe de Télamon.

La nouvelle ne parvient aux oreilles d'Eris que bien plus tard, ou plutot au yeux de ce dernier. La missive était clair, simple et mettait Eris de forte bonne humeur :

Citation :

Maitre,

Sir Taegus est mort dans le nuit du 8.

Eris était ravi. Il n'avait jamais rien tenté contre Taegus, non pas qu'il n'a pas voulu, mais plutot qu'il n'a pas put a cause de la relation entre lui et Télamon. Mais mantenant, il allait pouvoir enfin preparer quelque chose de constructif pour lui sans cet empecheur de comploter en rond.

Il fit preparer sa voiture, afin de se rendre a Sar au plus vite et de "consoler" le gouverneur. Taegus mort, Avesta parti, Le patriarche au porte de la mort... seul restait Télamon et Ascagne, ce qui en un sens, lui facilitait beaucoup les chose

'Que fais-tu ?
- J'étudie des poëmes khoréliens. Pourquoi n'avons-nous pas de grands poêtes en Edénia. Les textes de nos contemporains sont si fades en comparaison de ceux de l'ancien temps.

Taegus avait souri à Télamon, à peine sorti de l'enfance, sur cette réflexion.

- Peut-être n'es-tu pas encore capable de goûter à la profondeur des oeuvres des édéniens car trop proches de toi. Tu les aimeras un jour. Mais ton amour pour les lettres et pour la culture de la terre au-delà de la mer est une grande force. L'érudition te permettras d'accéder à de grandes fonctions pas seulement grâce au prestige de ta naissance, et ta science te rendras plus fort que tous ces hommes qui se contente de la science des armes. Les deux sciences sont nécessaires pour laisser sa trace dans l'histoire.
- Et toi, laisseras-tu une trace dans l'histoire ?
- Je ne crois pas, dit Taegus, un nuage passant dans ses yeux. Ou peut-être que je ne le souhaite pas.


Enée mort, Télamon venait d'accéder au poste de gouverneur.

- Me trompe-je si je pense que tu es pour quelque chose dans mes nouvelles fonctions ?
- Les convictions et les projets d'un homme, d'autant s'il est aussi influent qu'Enée, sont mystérieux.
- Puisque tu éludes la question, je me sers de mon pouvoir. Conseiller Taegus, répondez-moi.

Taegus rit tendrement.

- Disons que quelques mots se sont échappés d'entre mes lèvres et sont parvenus aux oreilles d'Enée.
- Et tes lèvres devaient être proches de ses oreilles.
- C'était la plus sage des décisions. Tu es un grand homme, parfois un peu trop rêveur, mais tu sais en faire une force et non une faiblesse comme c'est trop souvent le cas chez les autres. Gouverneur, Edénia sera grande grâce à vous.



Taegus, peu de temps auparavant avait refusé la retraite que lui proposait alors le gouverneur. Taegus, quelque jours avant cette nuit s'expliqua au cours d'une conversation avec Télamon.

- Je suis né à Khorel, j'ai décidé autant que j'ai suivi les miens de quitter ma terre natale et d'affronter la mer des Tumultes. Je suis arribvée ici et, plutôt que de régencer des terres familiales, j'ai voyagé pour apprendre la colonie, pour apprendre ce nouvau monde. J'ai mis mes connaissances au service de la gouvernance, d'abord épisodiquement, puis dans une fonction officielle que j'occupe aujourd'hui encore auprès de toi. Je suis né en Khorel, mais j'ai donné ma vie à Edénia, j'ai consacré ma vie à la colonie et à sa grandeur. J'ai vécu à Sâr, vivant ses affaires politiques. Je ne veux pas mourir dans une retraite dorée, rongé par l'inactivité. Si Bienveillant juge que mon heure est venue, je veux partir avec le sentiment d'avoir donné toutes mes forces à la justice et à la gloire d'Edénia et voir ma mort comme la juste récompense de mon dévouement, et non pas comme le châtiment pour mes erreurs et mes manquements.



Ses souvenirs s'évaporèrent certainement quand Télamon, s'il y avait réellement pensé avant de pousser la porte, entra dans la chambre de Taegus.

Allongé paisiblement sur son lit, mains jointes comme en une prière, à la lueur du chandelier posé à son chevet, Taegus paraissait serein, comme profondément endormi, plongé dans un rêve agréable. Le médecin se leva et s'inclina devant le gouverneur avant d'ajouter, sur un ton rude, maladresse à mettre sur le compte de l'habitude qu'on les médecins de la mort :

Il n'a pas souffert. Cela a pris un souffle. Probablement le coeur, vu son âge et son activité. voulez-vous que je vous laisse seul, un moment ?

Alors qu’il courait dans les couloirs du palais, Télamon avait terminé de jouer avec son épée en bois et avait fait semblant d’infiltrer tel un voleur les quartiers d’Enée et de Taegus… Le Garde avait fait mine de ne pas le voir rentrer dans le palais, mais ne s’était sûrement pas douté qu’il irait jusque dans les appartements de la Gouvernance…

Arrivé en haut des escaliers, il avait entr’ouvert la porte de Taegus le Sage… Celui-ci lisait un ouvrage et semblait le retranscrire avec soin sur un parchemin mis à la verticale en face de lui, sur sa tablette de travail et étiré par des ficelles afin que le boyau et la peau soient bien tendus.

Télamon entra comme un fou en brandissant son épée en bois et en jappant qu’il avait gagné cette bataille face à l’ennemi.

Taegus surpris tout d’abord avait failli renverser son pot d’encre et transpercé le parchemin…

- Télamon…
- Je vous ai battu Taegus le Sage.

Taegus avait vu dans les yeux de Télamon qu’il avait apprécié ce moment de victoire, pourtant une tristesse se lisait sur son visage… Peut être la crainte de voir un avenir gâché, de voir un autre noble prendre le choix d’être un Khorélien ne pensant qu’à la gloire et au pouvoir… Télamon se souvint de cette scène… Encore enfant, il souhaitait rendre fier le Sage en lui montrant qu’il était fort et futé… Peut être eut ce été le catalyseur d’une vie de diplomatie, de complaisance et compromis qu’il choisit en voyant la tristesse du regard de Taegus… Télamon ne prit plus jamais de joie à gagner une bataille, militaire ou diplomatique…




Alors que Télamon revenait de la frontière après une rencontre avec un Loa de renom, il n'était alors qu'un simple émissaire…

- Taegus…
Notre arrivée en Edénia est une bénédiction. Tout comme le calme et la patience des Huantars. Nous leur prenons des terres, nous en achetons d’autres, nous n’avons aucune légitimité sur ce continent qui ne fut jamais nôtre. Les indigènes sont bien patients…
- Notre arrivée en Edénia après cette longue traversée des Tumultes nous a permis de bien saisir la difficulté de survivre, et ce, même sur un continent qui semble si vaste et hétéroclite. Certains diront que les Dieux ou Bienveillant en ont décidé ainsi, d’autres parleront d’un destin entre nos seules mains. Le Gouverneur a la charge de veiller à ce que la Colonie protège son peuple et reste forte et juste. N’oublie pas, Télamon, que les Edéniens sont tout comme l’Empire, avides de pouvoir. C’est en pesant le pour et le contre des besoins du peuple et de la justesse des décisions à prendre qu’Edénia sera unie sous l’égide de la Gouvernance et que les indigènes resteront un peuple patient. Si Edénia se morcelle tant physiquement et moralement, la patience laissera place à de la crainte.

Alors que Télamon pesait les responsabilités d’Enée et de ses conseillers, tout comme les seigneurs de son entourage, il espéra ne jamais accéder à de telles fonctions sans disposer de conseils de Taegus.

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Laissez moi…

Télamon fronçait les sourcils en regardant le lit de son conseiller, de son ami… Il voulait être seul, il ne voulait être perturbé par la présence de quiconque.

Lorsque la porte se ferma délicatement derrière lui, il s’approcha du lit pour se tenir debout devant l’homme apaisé.

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Alors qu’il sortait du Dîner du jour de la Découverte, Télamon regardait par la fenêtre et n’espérait ne plus avoir à subir un échange aussi tendu avec le Seigneur Ascagne ou même les discussions de fous à tables.

- … mais je ne pense pas que tu ais mal agi Télamon… Tu as toujours été un homme à la hauteur de cette tâche.

Télamon sourit discrètement, il n’aimait guère la flatterie, mais venant de Taegus, l’on ne pouvait douter de la sincérité de ses mots.

- Tu es un homme fascinant Taegus, j’espère que tu m’autoriseras à espérer ne jamais avoir d’autre premier conseillé que toi.
- La vie d’un homme n’est jamais éternelle. Lorsque mon heure viendra, tu auras suffisamment appris pour te passer de mes vieux conseils.
- Nul homme ne peut se vanter de n’avoir besoin de conseils…

Taegus sourit… Télamon avait toujours été un élève attentif.

- C’est pour cela que Port Sâr et la Colonie disposera assurément d’un bon Gouverneur.

Ne comprenant la signification de ces derniers mots, Télamon sourit en espérant ne jamais décevoir l’homme qui était pour lui comme un père.

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Il n'y a jamais de honte à être triste... Et aussi d'être heureux. Télamon était heureux d'avoir pu être aussi proche de Taegus qu'il l'avait été. Il regrettait de ne pas avoir pu passer plus de temps avec lui, mais le poids de leurs responsabilités respectives l'avait empêché maintes fois. Pourtant il restait de nombreux souvenirs et de bons souvenirs : Des soirées à parler politique et des histoires de Khorel et d'Edénia, des rires discrets et des complicités et soutiens dans les moments difficiles...

Télamon n'avait pu refusé que Taegus ne veuille quitter son poste au palais. Il vivait pour la Colonie, il vivait pour Sâr. Ce n'était qu'un juste retour des choses que d'accepter qu'il reste à ses côtés... Il regrettait d'avoir souhaité son départ, mais se résignait à reconnaître que même le plus sage des sages aurait fait la même chose à sa place.

Télamon voyait son ami partir le visage paisible, son oeuvre en Edénia ayant était accomplie avec sagesse et brio. Taegus n'avait jamais été un homme à l'avant de la scène, aimait la discrétion avant tout. Télamon pourtant ferait des funérailles coloniales et montrerait à quel point cet homme n'était pas un simple homme, mais bel et bien l'un des fondateurs d'Edénia et de la vie de tous aujourd'hui sur ce continent.

Il se mit à genoux, le dos droit, tête baissée, une larme perlant le long de sa joue.

Le Gouverneur était seul...

Télamon était vêtu entièrement de noir et même la couleur de son visage montrait la gravité du jour. Les bras le long du corps, le corps légèrement en avant, il regardait le sol où l'on enfermerait à jamais un temps révolu, un monde sous la coupe des érudits et de la sagesse...

Il le savait, la tâche serait à présent bien plus ardue qu'auparavant, bien entouré d'une parole qu'il ne pouvait remettre en cause...

Taegus s'en allait, tout comme Enée autrefois. Le regard triste, son corps tremblant de l'intérieur, il paraissait dur et faire face à la chose alors qu'intérieurement le déchirement prenait le dessus...

Son discours fut émouvant, passant de la vie d'un homme, aux responsabilités et victoires d'un sage. Un père pour tous tout comme le fut les nombreux acteurs de la construction d'Edénia, il n'apporta pas seulement son savoir et sa sagesse, mais sa joie de vivre et les souvenirs.

L'enfant pleure la mort du sage Edénien,
Hommes aux émois souffrent grande peine,
Comme la voix étouffée d'un peuple jeune,
Sans peur, l'essor de ce qui est juste revient,

Arborescence des enseignements passés.

C'est avec courage qu'il termina sur ces dernières paroles alors que la pluie s'abattait avec plus de vigueur sur la tente comme pour applaudir la tristesse ou alourdir le fardeau d'Edénia.

Quelle comedie insipide. Regardez le grand leader d'Edenia, affecté par la mort d'un simple sous fifre. Ce sont ses sentiment ridicules, qui te meneront a ta pertes, Télamon.

Ainsi pensait Eris devant le tragedie qui se jouait devant lui. La verité était qu'il jubilait. Enfin cet empecheur de comploter en rond était mort. Enfin, Eris allait pouvoir se donner les meilleur attout. Il eut toutes les peines du monde a ne pas rire, en ecoutant Télamon debiter ces anneries. Il ignorait visiblement tout de la vrai nature du "Sage", mais Eris lui savait, de quoi le vieux était vraiment cabable ...

Mais il lui fallait maintenant garder contenance, et continuer a porter son masque, jusqu'a ce qu'il soit officiellement nomé a la place de Taegus. Il sortit un mouchoir, et en faisant semblant dese moncher, il respirat un pleine bouffé d'essence d'ail qu'il dissimulait. Effet instantané, les larmes perlerent a ses yeux rougit. Il s'approcha de Télamon, et lui tapota l'épaule de maniére chaleureuse, pour montrer les soutient qu'il pouvait lui prodiguer

Continue de pleurer, bientot tu auras de vrais raison de pleurer ...

Télamon, le Gouverneur de la Colonie Edénia, avait gagné avec le temps les rides des responsabilités et de la vie. Il n'était pourtant pas aussi vieux que le seigneur Eris ou les proches d'Enée, mais voilà que le gris s'aventurait dans la chevelure blonde de ce charisme qui faisait parler de lui même à travers Port Sâr et Edénia.

Il gardait néanmoins un visage jeune, il gardait encore un regard pénétrant et un corps en forme et ainsi ce sont les maux d'Edénia qu'il combattait au jour le jour en levant la tête, en serrant les dents et en souriant quand il le fallait.

Télamon n'oublierait jamais ce jour où il apprit de la voix de Taegus qu'il était le nouveau Gouverneur...

Alors qu'il se tenait la tête en frottant doucement le front, tête baissée, comme pour réfléchir avant de prendre une décision, l’on annonça la venue de Lepta Milon.

Faisant signe aux scribes de le laisser, Télamon leva la tête vers Milon. Il ne le dévisagea pas, il prit seulement le temps de se dire qu'il condamnait à faire son devoir autant la vie de ce jeune scholiaste que la sienne dés lors qu'Enée décida de le prendre sous son aile...

Enfin il prit la parole alors que Milon se tenait devant lui à quelques mètres sous la lumière du dôme filtrant comme toujours pour éclairer la partie principale de la salle du trône.

Lepta Milon,

Edénia a besoin de toi.

Milon sursauta. Il avait toujours craint d'entendre ces mots prononcés à son intention. S'ils étaient venus d'un haut membre de l'académie... Mais ils venaient d'un homme dont la proposition ne pouvait être refusée, dont l'appel n'était pas une simple invitation, mais un ordre formel auquel il n'était pas bien céant de se soustraire. Car il n'avait pas été mené ici de cette manière pour une mission anodine et le ton employé par le gouverneur ne laissait aucun doute sur la nature de l'emploi offert.

Milon n'avait qu'envie de fuir. Le travail, les responsabilités, tout ceci ne lui faisait pas peur, du moins tant que son oeuvre demeurait inconnue de la population. Mais agir au grand jour, aiguiller un homme sur qui reposait tout le fondement de la société, c'était tout le contraire de son caractère ; et s'il commetait la moindre erreur de jugement, il pouvait, par un conseil mal avisé, menait la gouvernance dans une autre crise. Peur d'échouer, peur de mal faire.

Ignorer la demande, faire comme s'il n'avait pas saisi ? C'était reculer pour mieux sauter ! Dire la vérité, avouer sa faiblesse, son manque de confiance, esquivcer et montrer par A + B pourquoi il ne pourrait être d'un véritable secours pour la terre qu'il aimait.

Gouverneur, je suis navré, mais je pense que vous feriez erreur en mettant un homme avec si peu d'expérience dans une si haute position. Je ne sais si je serais en mesure d'aider convenablement la gouvernance et votre personne. Edénia doit avoir ce qu'il y a de mieux, et nombreux doivent être ceux qui conviendront mieux que moi à la fonction que vous souhaiter pourvoir.

Peu covenable, on ne se refusait pas à la gouvernance. Mais sincère. Lepta était près de se pâmer tant le vertige l'assaillait.

Télamon sourit enfin devant les mots de Lepta...

Il était rare de voir tant de... sincérité et non arrogance, car rien ne laissait transparaître une telle attitude. Le jeune scholiaste venait de prouver qu'il était l'homme de la situation, que même sous la pression, il était prêt à braver le "correct" pour le bien d'Edénia... ou est ce une pensée égoïste, une peur de faillir ?... Si c'est la peur qui l'avait dirigé, il naurait réussi à dire non... Qu'importe, il savait... Il avait même deviné ce que Télamon attendait de lui.

Tu as raison...

Tu es jeune, tu es peu expérimenté, mais tu es aussi un scholiaste brillant, un homme perspicace, un homme aux idées fraîches et souscrites à un enseignement rigoureux dans de nombreux domaines d'importance et tu es, par dessus tout, modeste et non pas un seigneur arrogant et égocentrique.

Télamon posa sa main sur un accoudoir et leva un sourcil intrigué...

... Mais de quelle fonction parlons-nous, Lepta Milon ?

Le Gouverneur n'avait pas posé la question pour le tester ou le mettre mal alaise, d'ailleurs le ton s'était voulu convivial et il avait usé de son charisme naturel, un ton rassurant et amical, pour détendre l'atmosphère et le jeune homme.

Milon rougit davantage.

Vos éloges me touchent plus que nulles autres, Gouverneur.

Puis, il se reprit. Télamon tentait de le mettre à l'aise en s'étonnant de la conviction du jeune homme. Mais Milon n'était pas dupe. Sa maladresse et sa timidité naturelle étaient certes un frein à son épanouissement en société, mais n'altéraient ni son intelligence, ni sa perspicacité. Non sans émoi, il prononça d'une traite :

Gouverneur, même un scribouillard logeant dans une bibliothéque à examiner des livres tout au long de ses journées garde les yeux sur la gouvernance en ces temps de troubles. La révolte fomentée par le traître Hadril a secoué le gouvernement de la colonie jusque dans ses profondeurs. Je ne crois pas me tromper et ne pas faire preuve d'arrogance et de surestime de soi en déclarant que vous m'avez mandé pour devenir l'un de vos conseillers principaux, si ce n'est le premier. Les rues sont de nouveau calmes, Latani enfin vaincu, mais l'attente du peuple n'en est que plus grandes. Les gens de basses conditions, si peu oinstruits soient-ils, ont comprisque la révolte n'avaient qu'accentuer le chaos ambiant et amené le peuple dans de nouvelles souffrances. Le peuple attend un signe fort et la gouvernance cherche de nouvelles idées.

Milon soupira.

Je ne pense pas être l'homme qui vous sera le plus bénéfique dans la tâche qui vous attend. Je crains les serpents qui se sont enroulés autour du corps de la gouvernance. Je crains qu'ils ne profitent de l'inexpérience du garde de ce corps. Je vous demande pardon, mais si je puis ne vous donner qu'un seul conseil, ce serait de ne pas mal choisir l'homme qui vous épaulera à lutter contre ces serpents.

Milon s'inclina humblement devant Télamon.

Télamon hocha imperceptiblement la tête... C'était bien lui dont il avait besoin... Edénia y trouverait bien plus qu'un conseiller, assurément.

Dans ce cas, je prends en compte ton conseil. Pendant ce temps, je vais te présenter aux autres conseillers et nous allons commencer à travailler ensemble...

Edénia n'attend pas et je ne saurais faire attendre le peuple plus amplement.

Télamon descendit pour se poster à ses côtés et pour marcher un peu dans la salle du trône, en attendant que les conseillers arrivent. Télamon n'avait toujours pas dit pourquoi Lepta était là et quel rôle il allait jouer... Bien qu'il semblait avoir lui même trouvé... Il restait ambigu sans jamais officialiser la chose ou lui dire quel était son titre.

Il discuta donc de quelques problèmes en cours, les tensions entre seigneurs et aussi les réactions des conseillers, parlant du ton revanchard d'Eris et aussi la froideur de la Muraille. Il fit part du nouvel investissement d'Avesta et aussi des nouvelles instances à l'Eglise.

Télamon se revoyait lui et Taegus dans cette même salle, les jours où elle était vide, où il lui parlait de tout et de rien et il comprit aujourd'hui que toutes ces discussions avaient eu son importance et qu'il avait assimilé tout ou presque ce que le Sage lui avait dit et enseigné.

Télamon savait qu'il ne s'était pas trompé et Lepta le lui confirmait dés lors qu'il semblait mal alaise et peu apprécier ce nouveau statut officieux...

Les conseillers entrèrent avec quelques gardes peu de temps après...

C'est ainsi que Lepta Milon devint Premier Conseiller de la Gouvernance. Télamon ne souriait pas, il avait l'air très sûr de lui et ce n'est pas sans hypocrisie ou vil mesquinerie qu'il plaçait ce jeune scholiaste à ce poste que lui même chérissait.

... Milon sera donc le Premier Conseiller de Port Sâr et d'Edénia. Vous connaissez vos responsabilités, Edénia devra reprendre confiance en elle, elle devra sortir de ses difficultés grandie...

Il savait que les réactions seraient vives, mais il en était ainsi. La jeunesse prendrait le flambeau, un homme extérieur donnait son avis, un scholiaste participerait au redressement de la Colonie.

Le gouverneur avait mandé la présence du général Ascagne pour une annonce de la plus haute importance. Cela devait être urgent. Télamon n'était pas sans savoir que le général accomplissait une tâche immense depuis la révolte. Il avait fallu nettoyer les bas-fonds de tous ces criminels que les insurgés avaient libéré dans leur folie. Les pertes des garnisons blanches et noires avaient été telles qu'il avait fallu réorganiser ls factions et les patrouilles et procéder à des campagnes d'enrôlement. Aujourd'hui encore, ces campagnes se poursuivaient, afin de renforcer l'armée dans ses missions dans les autres provinces. Il avait fallu réinvestir, réparer, réorganiser et réapprovisionner la prison de Sâr, tandis que les populations des quartiers adjacents subissaient la surcriminalité engendrait par la libération de détenus hors du droit chemin de la loi depuis si longtemps qu'ils n'avaient eu aucun scrupules à reprendre leurs activités illégales et à nuire même à ceux qui les avaient naïvement libérés. alors, il était certains que le gouverneur ne dérangerait pas Ascagne dans ses travaux sans raison. Du moins, le général l'espérait.

Arrivé dans la salle, son regard s'était posé sur l'espèce d'homme qui semblait aussi fragile qu'une femme, et la curiosité le piquait au vif. Il n'avait jamais vu ce drôle. Avant que le gouverneur n'aie prononncé le moindre mot, Ascagne pensa que Télamon avait encore trouvé un joli bouffon qui amuserait la cour.

... Milon sera donc le Premier Conseiller de Port Sâr et d'Edénia. Vous connaissez vos responsabilités, Edénia devra reprendre confiance en elle, elle devra sortir de ses difficultés grandie...

Le visage d'Ascagne changea de couleur, devenant rouge. Il sentit tellement de rage et de frustration monté en lui qu'il pouvait aisément imaginer la fumée lui sortant des oreilles et des narines. Rien que son nom l'enervait : Milon, parfait pour un homme moyen. Il fallut près d'une minute à Ascagne pour se rendre compte que son nom n'avait été précédé d'aucun titre. Il n'était même pas noble, le blanc-bec !

Il se tourna vers Télamon, et de son ton habituel, c'est à dire bourru et direct, il exposa sa pensée, sans souci des convenances, aussi franchement qu'à l'un de ses hommes.

Gouverneur, que vous me le permettiez ou non, j'ose vous demander ce qu'il vous passe par la tête pour nommer un homme qu'on ne connait pas à un poste aussi important. Qu'a-t-il fait pour mériter cet honneur ? Quel bienfait a-t-il administré à Edénia pour être juger à même de conseiller l'homme le plus puissant de la colonie ? Comment pouvons-nous être sûr qu'il possède les qualités nécessaires au poste que vous lui offrez grâcement ? N'avez-vous pas autour de vous et dans cette pièce même suffisamment de talents et d'hommes fidèles, prêts à vous aider dans votre tâche, pour que vous nous imposiez ce palôt ? Qu'avons-nous fait dont vous avez à vous plaindre pour nous déjuger ainsi ? Depuis votre nomination et avant cela même, je dirige l'armée coloniale, depuis une trentaine d'années. Depuis tout ce temps je me tiens dans cette pièce au côté du gouverneur pour le conseiller, à sa demande. De voir ce jeune mollasson devenir votre Premier Conseiller... Jamais je ne me suis senti aussi humilié de ma vie, et pourtant, j'ai vécu des humiliations !

Ascagne s'assit se tordant les doigts de colère. Ascagne avait touours été impulsif, défaut qu'il avait vainement tenté de corriger et qu'il tentait de contenir. Mais, parfois, la situation l'empêcher de se contrôler ; voir ce jeune puceau être nommé Premier Conseiller, c'était ce genre de situation.

Ce mouflet jouflue était nommé premier conseiller de la Gouvernance. Eris etait en train de bouillir interieurement. Toutes ces années d'efforts reduite a neant en quelques secondes. Il s'appretait a reagir quand Ascagne entra.

L'impetuosité du général fit une de fois de plus des merveilles. Grace a son intervention, Eris n'aurait pas a avoir le mauvait role. Il se leva.

Gouverneur,

je doit reconnaitre que je rejoint l'avis du Général Ascagne. Je serais ravis de conter ce jeunes homme parmis les conseiller de la gouvernance, mais je pense que notre ami est encore un peu inexperimenté pour pouvoir assuré un poste comme celui-ci.

Je me doute que vous avez murement reflechie cette descision. aussi si vous pouviez nous donner les raison de votre choix, peut etre serions nous plus a même d'accepter votre descision.

Eris se se reinstalla sur sa chaise et attandit la reponse du gouverneur, tout en observant Milon, en esperant le voir refuser ce poste. Finalement, Ascagne avait été utile, il avait calmé Eris.

Télamon avait écouté sans montrer aucuns signes d'énervement ou de frustration. Il reprit en gardant un ton calme et se voulant ferme tout à la fois. Il scrutait de même du coin de l'oeil les réactions de chacun et notamment de Milon.

Edénia est le théâtre de conflits, le champ d'un grand désordre que nous avons entrepris de redresser et permettre, une bonne fois pour toute, aux nobles de se rassembler autour de la seule puissance gouvernante au sein de la Colonie.

J'ai longuement réfléchi à ces problèmes et aux tâches qui nous incombent et de surcroît aux saisons qui vont suivre.

Il se retourna pour fixer Ascagne et Eris non sans un regard résigné.

L'Armée Coloniale marchera sur les dissidents et j'entends que vous ayez tous les éléments à votre disposition afin de remédier à ces insurrections et chaos locaux. Vous, seigneur Ascagne, prendrez sous votre coupe les nouveaux moyens militaires dont l'Armée Coloniale disposera et vous rétablirez l'égide de la Gouvernance en Edénia.
Alors même que nous avancerons vers des bases pérennes, nous aurons besoin d'une voix, celle d'un diplomate, celle d'un seigneur respecté tout autant que le seigneur des Armées d'Edénia, il faudra réunir les nobles, unir et calmer les ardeurs des plus fougueux et ambitieux. Seigneur Eris, vous aurez un rôle tout aussi majeur, celui de redorer l'image de la Gouvernance et la paix en Edénia par la voix diplomatique. De même des problèmes récurrents surgiront et j'entends bien que les rôles soient bien distribués et que nous puissions nous concentrer sur nos tâches respectives.

Télamon détourna le regard pour fixer le sol et se frotter le menton, puis il reprit avec un ton moins ferme et plus circonspect.

Lepta Milon n'est pas noble certes, Lepta Milon n'est pas expérimenté ou un homme de terrain, mais en cela que je prends l'initiative d'insuffler de nouvelles aspirations à la Colonie. Aussi avisé que cela puisse paraître, j'ai toujours pris vos conseils en considération et j'ai fait en sorte que jamais vous ne soyez lésés dans vos responsabilités, car de fidèles vous êtes et avez été et c'est en ce sens que vous êtes les conseillers de la Gouvernance, les seuls à pouvoir être aux côtés de la Colonie sans voir ses propres desseins prendre le dessus sur un quelconque pusillanime égocentrique.

Je suis fier de vous avoir comme conseillers et bien plus encore que ce rôle d'importance.

Il mit ses mains dans le dos en levant la tête.

Edénia a longuement formé l'élite intellectuelle et j'ai suivi le parcours de Lepta Milon pour divers raisons. Ce qui est un atout majeur en ce sens, mis à part ses compétences, est notamment le fait qu'il n'est pas connu justement.
Aujourd'hui la noblesse lèche les pieds et c'est un mal pour un bien et un bien pour un mal. Qu'ils nettoient nos chausses, et ainsi nous contrôleront la diversité belliqueuse, mais ne nous avisons pas de rester sur notre postérieur en pensant être à l’abri de nouveaux complots et autres euphémismes et hypocrisies qu'Edénia a traversé ses dernières années. Lepta Milon n'est pas connu et les nobles ne sauront comment l'aborder alors qu’ils connaissent déjà les paroles convenants à chacun d'entre nous.

Son rôle de premier conseiller sera aussi celui de déceler ce que nous avons mis de côté par habitude.
J'ai confiance en vous, j'ai confiance en cette décision qui devra permettre une complémentarité au sein du cercle de conseil autour d'Edénia.

Télamon avait accentué ses dernières paroles, il était temps qu'Edénia se ressaisisse et c'était leur rôle. Lepta Milon... Qu'était il en train de faire ?... Etait il le bon choix ? Etait il un jeune "freluquet" incompétent ?... Non il pousserait Edénia à reconnaître le pouvoir de Port Sâr et c'est en cela qu'il devait non pas convaincre, mais rasséréner Ascagne et Eris.