( Auberge du Peuple/Demeure de De Valefor ) La guérison

Je suis fatigué. Si fatigué. Je peine à marcher, pourtant, il le faut. Je me dirige vers les lumières de la ville, insectes papillotants au loin. Une odeur de foin envahi mes narines. Le froid, le froid s'insinue dans mon coeur. Je dois avancer, mais quelle douleur, Dieu, quelle douleur. Des débris me font tomber. Au prix d'un effort surhumain, je me relève et m'effondre à nouveau. Je reste ainsi. Le délire s'empare de moi, et des heures je suis prostré sur le sol. Dans un moment de lucidité, le sentiment de ma mort approchant me fait réagir et je me dresse sur mes pieds. Péniblement je me remet en route. Les lumières se font plus intenses. Ma perception du monde s'améliore. Mais je sais que cela n'est pas un progrès. Cette sensation, cette euphorie, c'est le manque d'air qui la provoque. Je sais que je vais mourir. Mais je continue de lutter. Arrivé près de la ville, l'espoir me reprend. Si quelqu'un me voit, il pourra m'aider. Mais je déambule dans la ville déserte en ne rencontre personne. Ma volonté ne tient qu'à un fil, mon âme est sur le point de s'éteindre. L'épée enfoncée dans mon corps à cessé de me faire mal. Je n'entend plus rien, que les battements de mon coeur. Un voile noir passe devant mes yeux. Mais j'avance. Des lumières devant moi. De toutes mes forces je me précipite dans leur direction, je cours presque...

Devant l'auberge s'effondre un homme, transpercé de coups d'épée...

_ ... vous m'entendez, Chevalier ? Chevalier réveillez-vous ...

_ Son destin repose sur ses épaules maintenant" avait dit le docteur Heinz "il a besoin de repos et de beaucoup de calme.


_ ... Chevalier ?

_ Alors ?" la voix grinçante du docteur Heinz emplissait la chambre.
_ Et bien, il s'est réveillé à plusieurs reprises mais s'est rendormi presque aussitôt. J'ai dû changer son bandage : ses blessures s'étaient réouvertes. Il a tâché tous les draps ; je l'ai lavé à l'eau chaude, changé la literie et l'ai massé pour faire circuler son sang. J'ai demandé du bouillon à base de viandes et de légumes broyés" c'était la voix douce et ronde qui répondait.
_ Bien, il est pratiquement tiré d'affaire. Les fièvres persisteront encore quelques jours. Forcez-le à manger, le bouillon est une bonne idée : ça le réhydratera. Appellez-moi quand il sera réveillé que je l'examine.

_ Donc il s'est réveillé ? Bon, je vais procéder à mon examen.


_ A t-il mangé ?
_ Peu, mais il a mangé. C'est un vilain garçon" sourit Camille.
_ Bon. Il survivra. Vous n'avez plus besoin de moi. Vous savez où m'envoyer la note.
_ Comme d'habitude, doc'.
_ Bon alors je pars. "Se retournant" Interdiction pour lui de prendre l'épée, le cheval, de faire des efforts violents pendant un mois. Ces ligaments ont été partiellements endommagés, il a besoin de temps. La lame a glissé sur ses cottes : il a eu beaucoup de chance. Celles-ci ne sont que félées, il s'en remettra rapidement et n'en gardera qu'une belle cicatrice.

Je me reveille, hurlant. Le décor près de moi n'est plus le même. Tranquilement, je me calme et essaye de réfléchir. Les douleurs dans ma tête reprennent, m'empêchant de penser. Ma bienfaîtrice se lève de son fauteuil et s'approche. Sa présence me rassure, aussi étrange que cela puisse paraître. Je m'adosse et me prends la tête dans les mains. Pour la première fois depuis mon agression je peux parler :

"Où suis-je, qui êtes vous?".

Mon ton, sans être agressif, est teinté d'angoisse, presque paniqué.

"Pourquoi m'aidez-vous? Vous êtes avec eux, c'est cela? Vous voulez me soutirer des informations?".

Le mal de crâne me rend incohérent. Je sais qu'elle n'y est pour rien, mais je n'arrive pas à contrôler mes paroles.

"Pourquoi? Pourquoi, Seigneur, Pourquoi?".

Désespéré, atteint, je fond en larmes, non de douleur car désormais mon esprit s'y est habitué, mais parce que mon coeur est lourd d'incompréhension et de haine...

_ Vous êtes en sécurité Chevalier. Je me nomme Camille de Valefor et vous êtes ici chez moi. Je vous ai trouvé gisant sur la place du Peuple lorsque je sortais de l'auberge. Cela fait cinq jours que je vous veille. Maintenant vous devez reprendre des forces Chevalier.


_ Nous parlerons après si vous le désirez.

J'accepte la nourriture de Camille, car la faim désormais me dévore. Après que j'eûs avalé jusqu'à la dernière bouchée de ce mets qui me parais délicieux, je me repose sur mon oreiller. Je crûs m'endormir, mais chaque fois une ombre me passe devant les yeux et me relève, saisi de terreur. Las d'éprouver cette peur, je tente d'engager la conversation :

"Je vous prie de m'excuser de mon attitude de tout à l'heure, la folie m'habitait."

Camille signifia que cela n'était rien. Je continue donc :

"Je me dois de vous remercier pour votre hospitalité et vos soins, peu de gens auraient eu tant de gentillesse pour un homme blessé. Mais, sans vouloir abuser de votre générosité, j'aimerais savoir si ma disparition n'a pas été signalée... Oh pardon, je ne me suis même pas présenté. Seigneur Talen, comte de l'Est. On m'a nommé tout récement au poste de Grand Ordonnateur de l'Académie et...".

Ma voix mourrut dans ma gorge. Des souvenirs de l'embuscade remontèrent à la surface et je ne put retenir mes larmes, encore une fois.

"Une attitude indigne d'un homme..."

_ Chevalier Talen ? Grand Ordonnateur de l'Académie ... Et bien il est plaisant de savoir un homme de connaissance dans son lit. Je ne sais guère si votre disparition a été signalée : je vous ai veillé pendant ces cinq jours et il n'y a eu aucune mention dans les journaux.


_ Peut-être voulez-vous dormir encore ? Je resterai là. Il faudra tout de même penser à vous lever. Demain nous irons nous promener. D'ici là, je suis à votre disposition si vous avez besoin de parler.

"Je dormirais bien, en effet. Mais je désirerais vous parler plus tard...".

Après un long sommeil, je me levai. Pris d'un soudain vertige, je me rassois
et attends un moment. J'essaie à nouveau et cette fois j'atteint la fenêtre et m'appuie sur le rebord. J'entends des pas derrière moi, ce sont ceux de Camille qui me rejoint.

"Vous êtes debout..." l'entends-je dire d'un ton joyeux.
"En effet, je m'ennuyait à dormir et à ne rien faire. Un peu d'activité ne me tuera pas... Enfin... J'essaye de me remémorer précisement ce qui s'est passé, mais je n'ai que des images diffuses qui me reviennent en tête. Tout ce que je sais c'est que des hommes, nombreux, m'ont attaqué en embuscade... Des lâches... Mais j'ai été pire qu'eux, j'ai fui, alors que j'avais juré ne jamais le faire..."

Un nouvel étourdissement me prend et de nouveaux souvenir réapparaissent...

"Ils portaient des habits sombres, et leur visage était masqué... Ne sauriez vous qui cela pourrait être?"

_ Des habits sombres et des masques ... Non sans doute pas. Je connais de nombreuses personnes costûmées pourtant mais rien à voir avec cette grotesque mascarade. Mais pourquoi vous en voulaient-ils ?

_ Vous savez, parfois la fuite est la seule issue ; il n'aurait été que pure folie que de resister. Je vous aiderai du mieux que je puisse, Chevalier. Vous connaissez-vous des ennemis ?

Je réfléchis un instant avant de répondre. Mes propos risquent d'impliquer beaucoup de personnes, de hauts dignitaires de l'Etat... Mais après tout, s'ils sont responsables de mon état, qu'ils aillent au diable. Que peut-il m'arriver de pire que de me faire attaquer par des chevaliers noirs en surnombre?

"Nombreux sont les seigneurs qui voudraient me voir mort. Je pense en particulier à ceux qui détestent les indigènes que je défends. Ou encore aux nobles guerriers qui m'attaquent incessement... Mes ennemis sont nombreux gente Dame, et je ne voudrais pas vous causer de tort en vous mêlant à tout ça. Je saurais me débrouiller seul."

Je pensais soudain à un rendez-vous que j'allais manquer...

"Pourriez-vous aller faire quérir mon intendant? J'ai à lui parler... Merci beaucoup".

_ Je n'ai pas l'honneur de connaître votre Intendant, Chevalier.

"Je vous remercie... Savez-vous si vous auriez suffisement d'influence auprès du gouverneur pour obtenir une audience? Je suis désolé encore une fois de vous demander autant mais j'aimerais pouvoir lui parler, ainsi qu'au chef de l'Ordre. Il semblerait que les huantars soient en danger et j'aimerais que les autorités religieuses et politiques m'aident dans ma lutte contre cette menace..."

Je me levai et fit quelques pas. Je regarde Camille et dit:

"Et si nous allions nous ballader. Nous serions mieux pour parler en marchant... Et puis, j'aimerais prendre l'air."

_ J'enverrai une lettre au Gouverneur. Télamon et moi sommes en mauvais termes mais je pense que c'est un homme objectif qui pourra faire abstraction de ses problèmes personnels pour se consacrer à la défense d'une cause juste.
Il en va de même pour le chef de l'Ordre.


_ Oui, allons nous promener Chevalier. Il faudra que vous m'en dites plus sur ce que vous voulez que j'envois au Gouverneur. J'avoue ne pas savoir comment m'y prendre.

Je réflechit quelques instants en marchant vers la sortie de la pièce. Je viens tendre mon bras à Camille qui accepte mon aide. Je me dirige un peu à l'aveugle dans la maison, sous l'oeil amusé de Camille. Enfin je découvre une porte qui s'ouvre sur l'extérieur. La ville et ses bruits me submergent, moi qui depuis plus d'une semaine suit allité... Enfin je reprends la discussion:

"Je ne sais moi-même comment m'y prendre avec le gouverneur... C'est un homme compétent, certes, mais il est impossible de savoir ce qu'il pense réelement. Toutefois, je pense que je lui dirais que sa nation est en danger. Les attaques visant les huantars sont un risque que nous ne pouvons prendre. Bien que vaincus, ils restent fiers et seront près à reprendre la guerre s'ils le décident. Je les respecte pour cela... Enfin, je pense que dire qu'il est en danger devrait motiver Télamon pour accpeter une audience. Les autorités religieuses quant à elles devraient s'intéresser au fait que le pays est en trouble. La stabilité est leur garantie de prospérité."

Je termine cette phrase un peu en sourdine, plus pour moi-même que pour alimenter l'échange. Camille me regarde et sourit encore une fois.

"Mais pourquoi souriez-vous sans cesse?"dis-je, moi-même souriant.

_ Pour rien Chevalier, je pense que je dormirai bien ce soir ; une fois n'est pas coutûme. Ce dont vous venez de me faire part est effrayant, mon entreprise ne supporterait pas une situation aussi instable ...


_ Je fais partir un courrier immédiatement. Je ne sais comment Télamon y répondra : comme je vous l'ai déjà dit nous ne nous entendons pas. Je vais faire la même chose pour le Patriarche Heimdall.
Nous nous rendrons au Palais dès que vous serez rétabli ; allez vous reposer pendant que j'écris à leur Magnificience Altesse.

Citation :

Un de mes amis, le Chevalier Talen, s'est fait agressé lors de son chemin pour Port Sâr. Il me faut le nom de ces coupes-jarret. Ceux-ci étaient masqués et vêtus sombrement imitant ainsi certaines habitudes de la Rose. C'est intolérable, que Rapine écoute mon appel et trouve les fauteurs.

Hrp : question modo. En tant que membre d'une organisation plus ou moins légale pourrai-je avoir quelques informations ?

Je regarde Camille tandis qu'elle écrit. Ses gestes et assurés et calme, sa grande écriture ronde reflètent à la perfection la personnalité de la jeune femme. Je me perds dans sa contemplation quand elle se retourne et me renvoie mon regard, toujours souriante, presque espiègle. Embarassé je détourne le regard, et je lance naïvement un sujet de conversation...

"Alors, euh... comment allez-vous, en dehors de tout cela?"

Je m'en veux déjà d'avoir ouvert la bouche pour dire une telle stupidité. Le Grand Ordonnateur de l'Académie, muet devant une femme? Idiot! J'essaye de reprendre contenance pendant que Camille m'observe, l'attitude changée...

_ C'est bien la première fois qu'on me demande de mes nouvelles de cette manière. Je vais bien Chevalier, votre sollicitude me touche. Cette histoire inopinée, bien que malencontreuse a eu un effet bénéfique sur ma santé : je pense bien dormir ce soir. L'imminence d'une entrevue avec le Gouverneur et le Patriarche m'enchante au plus haut point.


_ Nous partirons demain matin après avoir dormi. Je vous laisse ma chambre Chevalier : reposez-vous bien car la journée de demain sera longue.


_ Chevalier voilà maintenant près de six jours que je vous ai receuilli, vous êtes en capacité d'aller maintenant comme bon vous semble en respectant les ordres du médecin. Chevalier, en ce bas monde tout se paye et ce que j'ai fais pour vous à un prix. J'exige mon dû maintenant Seigneur Talen et le paiement s'élève en baisé.


_ Personne n'en saura rien Chevalier : je vous en fais la promesse. Laissez-moi sentir vos lèvres ; donnez-moi un baisé.


_ Oh, bien sûr, si le coeur ne vous en dit ne le faites pas : je ne vous en tiendrai pas rigueur ...

Pendant quelques instants mon esprit lutte pour savoir si je dois ou non accèder à sa demande.
J'ai une fierté, moi... Je ne peux tout de même pas me laisser commander par une femme. Mais en même temps, ce n'est pas n'importe quelle femme...
Je regarde Camille, continuant mon débat intérieur.
Ce serait une honte... Mais après tout, ne dois-je pas objectivement payer ma dette envers elle? Bah, un mauvais moment à passer, penses-je en toute mauvaise foi.

"Je consens à payer ma dette, chère demoiselle."

Je m'approche d'elle, et la prends dans mes bras. Au début,intimidé par sa beauté, je reste distant, délivrant un baiser chaste. Mais je ne peux m'en tirer ainsi. Elle me colle contre elle et je m'abandonne à son baiser.
A la fin de cette étreinte, je sors, gêné, de la pièce.

Mon inexpérience avec les femmes me jouera des tours. Non contente de me commander, elle prend le dessus aussi. Mais comment vais-je m'en sortir?
Une petite voix dans ma tête me dit que cela risque de provoquer des ragots. je suis ici depuis six jours déjà, il ne manquerait plus que ce baiser se sache et ma réputation est finie...

"Je resterais ici, mais ne vous ferais point l'affront d'utiliser votre chambre, même aussi gentiment proposée. Je me contenterais aisément d'un réduit où d'une quelconque autre pièce..."

Dernière edition par Talen le 09/12/2006 à 23h42.

Le lendemain, je me reveille, étourdi par le sommeil et l'esprit encore embrumé. Je me lève et regarde l'état de mes blessures. Elles sont en cours de guérison et cela se voit. Je marche en direction de la salle d'eau. Aujourd'hui est un jour important et je me doit d'être présentable. Je m'habille de mes plus beaux habits. Puis je vais dans la salle commune qui fait le lien entre la petite pièce que j'ai choisi pour dormir et la chambre de Camille. Ell m'y attend, toujours souriante, et je la salue d'un baise-main.

"Êtes-vous prête?"

Camille acquiesce.

"Alors allons-y".


Nous marchons dans la rue, suivi de mon escorte que j'ai fait mander. Camille n'a pas voulu augmenter ma garde, donc seulement dix hommes nous protègent. Mais cela semble suffisant en plein Sâr. Nous nous dirigeons vers le Palais du Gouverneur, eclatant, tout de marbre et de nacre. Des gardes nous bloquent l'entrée mais lorsqu'ils nous reconnaissent nous passons sans problème. Nous nous avançons à travers les jardins et arrivons devant l'entrée même du palais. Nous parcourons les couloirs jusqu'à arriver devant la salle d'audience...


Edit : fin de conversation