La mer faisait le gros dos. Les cimes des vagues envoyaient leurs embruns salés sur les silhouettes capées. La pluie battante masquait le clair de lune ; l’embarcation était plongée dans les ténèbres.
Günter (chuchotant et réajustant les plis de son tri-corne) : _ Tu les vois ? »
Irvine : _ Oui, là-bas, le point lumineux. Le bâtiment se rapproche. »
Günter : _ Parfait, je vais prévenir les hommes. »
L’homme s’empresse. En quelque seconde les pirates sont sur le qui-vive, armés et prêt à frapper.
Günter : _ N’oubliez pas les ordres : épargnez le capitaine et son second. Jusqu’à là pas de quartier. »
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L’embarcation rattrape promptement le lourd navire fendant les flots. La vigie prise au dépourvue n’a le temps que de lancer un cri avant de tomber dans un bruit sourd sur la lisse, frappée en plein cœur. Dès lors l’équipage du navire est livrée à la merci des pirates. Ceux-ci sont sans pitié et rapidement la moitié de l’équipage est passée par l’épée ; le reste des marins se rendent sans conditions et sont enfermés dans les soutes du bâtiment. La pluie balaye la lisse de ses rafales apaisantes, bientôt il ne subsiste que peu de traces de l’abordage … _______________________________
Le soleil tapait fort sur les trognes burinées des hommes rendant les visages rubiconds et écarlates. A cela venait s’ajouter l’ivresse de l’alcool, rougissant les joues et les nez des pirates. Le capitaine avait laissé quartier-libre pour fêter la victoire. Sur le pont se mélangeaient les vins les plus doux au plus capiteux, les étoffes rares et les objets de luxe dans une orgie carnassière. Les pirates enivrés s’amusaient avec leur prisonnier. Le supplice de la planche était un spectacle grandiose : les squales étaient aux premières loges et s’amusaient tout autant que les hommes sanguinaires.
Non loin de là, dans le château, Günter et Irvine s’entretenaient avec le Capitaine et son Second :
Le Capitaine : _ Paix pour mes hommes ! Vous nous avez déjà tout pris … »
Günter : _ Il vous reste vos vies, ce me semble. Vous avez de la chance, j’ai une missive à faire passer à votre chef. Aussi, vais-je vous laisser en vie, vous et votre Second. »
Joignant le geste à la parole, Günter donna une bouteille dans laquelle se trouvait un rouleau de parchemin.
_ Irvine : Maintenant, allez, que nous ne changions pas d’avis.
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Résumé de la lettre :
- Citation :
Laconique Nicholas et autre porte-balle de la Compagnie du Commerce. Nous, Pirates Innocents, déclarons ces eaux sous dominations Innocentes. Il vous faudra dès lors nous payer une taxe de voyage. Il va sans dire que si vous répondez par la négative, nous nous dédommagerons en nature plus une amende sur vos bateaux. Vous pouvez dès maintenant envoyer une malle emplie de pièces d’or, sonnantes et trébuchantes à destination de Rapine. Ne vous inquiétez pas, nous reconnaîtrons notre bien.
Sachez que cette taxe servira au développement et au recul de la misère. Je sais que vous serez enchanté par cette perspective, et serez honoré de savoir votre bien aider les gueux.
Je vous salue bien bas, Capitaine Günter des Innocents.