[Les bas-fonds/Place des condamnés] Haute Cour des Miracles

27/28 Keithan 56

Il pleuvait fort sur les toits délabrés. On entendait les roulements du tonnerre dans le lointain. Parfois un arc de lumière déchirait le ciel nocturne. Le sol rendu spongieux par les pas des gueux collait aux chausses. La nouvelle s’était répandue rapidement « et de partout les rats sortirent de leur trou ». Les vilains, les manants, les coupe-jarrets, les mendiants et les handicapés d’opérette, tous se tenaient sur la place devant la Haute Cour des Miracles.

Mascarade de Justice, caricature de jurés, juge factice et simulacre de parquet, … la Haute Cour des Miracles allait procéder à un jugement. La cour était abritée de la pluie par une grande bâche ; le publique quant à lui se réfugiait sous les porches ou le long d’un immense préau. Les magistrats entrèrent : Arlequin, Polichinelle, Guignol et Pimprenelle. Puis vint le juge, de petite stature dans un manteau aux couleurs multiples mais ternes ; un Scaramouche cette fois-ci. Le Tribunal au complet, la comédie put commencer.

Ce fut Scaramouche derrière sa chaire improvisée qui le premier parla. Ce faisant, derrière son masque au long nez, il imita la voix de Télamon et parodia son phrasé, répétant les mêmes geste amplifiés :

_ Nous, Télamouche Ier, Roi des parias et des mal-nés,
Déclarons la Haute Cour des Miracles en ce Keithan ouverte.
Amenez l’infâme chien du gouvernement, ce déchet,
Il subira les épines de notre ire, pour sa perte.

La foule amena un prisonnier, bon-gré mal-gré devant la Cour. Manifestement il s’agissait d’un garde du Gouvernement. Le reste de la soirée ne fut qu’une longue et gigantesque farce au cours de laquelle le garde trouva la mort.

Au petit matin sur la place des condamnés un triste spectacle s’offrait à la vue d‘une petite foule allant grandissante. Le garde de Télamon avait été habillé en condamné de Télamouche. Des pièces d’or avaient été cousues sur ses paupières après son décès afin qu’il puisse payer la Mort, selon une coutume ancienne. De ses anciens habits il ne restait rien, ses nouveaux vêtements évoquaient ceux d’un bouffon. Du maquillage lui donnait un air paisible, souriant et avenant, comme si sa mort avait été douce et clémente.

Une lettre était épinglée sur sa chemise ocre et azur. Ceux qui savaient lire avaient déjà colporté les dires :

Citation :: Nous, Télamouche Ier, Suzerain légitime d’Edénia et de Port Sâr,

ne reconnaissons aucune légitimité à Télamon l’usurpateur. Cependant dans notre altesse bonté nous accordons à celui-ci la faveur de nous répondre.
Nous vous sommons de quitter Sâr sur le champ en y laissant toutes vos possessions terrestres. Si vous répondez par la négative, sachez que nous serons contraint d’user de la force et vous enverrons nos quatre éminents Ministres de la Guerre : Arlequin, Polichinelle, Guignol et Pimprenelle.

Vous êtes maintenant prévenu,

Télamouche Ier.

Ascagne eu vent de la nouvelle au matin. Accompagné de deux gardes il se rendit sur la place pour récuperer son garde. Ils le décrochèrent faisant tomber les deux pièces d'Or sur lesquelles se jetèrent les villageois présents. Ascagne ne broncha pas, il fit signe à ses gardes de ramener le corps à la caserne pour l'enterrer avec la cérémonie due à rang militaire. Il décrocha la lettre épinglée sur sa chemise et se rendit au galop au palais après l'avoir lu.

Au palais, les gardes le laissèrent évidemment passer jusqu'à la salle du trône ou un garde le bloqua.

"Désolé Commandant, personne ne peut s'introduire dans cette pièce en l'absence du gouverneur"
-Il n'est pas encore arrivé ? Fais le quérir, c'est important.
Le garde était gêné, devait il obéir à son commandant, ou aux règles du Gouverneur..
-Comment moi ? Mais Commandant je dois garder cette salle..
-Execute ou je t'execute !

Le Gouverneur finissait son entrevue avec L’Institut Colonial de la Monnaie, plutôt convaincu d'une réforme sur la valeur de l'Ekar, il tentait de redorer une chance aux seigneurs pauvres d'Edénia.

Alors même que le Garde hésitait à s'exécuter, les portes de la grande salle s'ouvrirent pour laisser passer les éminences économistes d'Edénia laissant le Gouverneur debout entre deux grands piliers, signant quelques parchemins qu'un scribe lui faisait lire, empillés sur une table roulante.

Télamon leva la tête et put voir le Seigneur Ascagne en proie à un déconvenu peu familier. Il lui fit signe d'entrer, puis signa un dernier parchemin avant de s'avancer vers le Général de l'Armée Coloniale.

Gouverneur, j'ai de très mauvaises nouvelles...

Il tendit la lettre

Voilà ce que j'ai trouvé ce matin sur l'un de mes hommes qui a été lynché et exposé sur la place publique dans les bas-fonds. Cet acte de terreur est d'une sauvagerie inouie, mais pour autant, il ne semble pas être le fruit des indigènes. J'en suis le premier étonné.. Quoi qu'il en soit je vous suggère de doubler votre garde, et d'être vigilant. Mais il va falloir démasquer les responsables, qu'en pensez vous ?

Le visage du Gouverneur passa du tout au tout. Sourire en coin au visage sombre, il ressortait de sa personne une envie de chiffoner le parchemin, mais il garda son calme.

Seigneur Ascagne,

Je ne crains point pour ma personne, et me fiche de ces insultes sommaires, mais je crains que ces sauvages recommencent leurs actes odieux sur nos hommes et sur le peuple lui même.

C'est un scandale !

Il lâcha ces mots d'une voix courroucée et grave.

Seigneur, je souhaite que vous vous en chargiez personnellement. Je sais que cette tâche n'est pas celle que vous attendiez, mais je tiens à ce que les auteurs de cette ignomie goûtent de votre lame. Chargez certains de vos officiers de la Garde d'enquêter sur cette affaire, vous superviserez le tout en me tenant au courant régulièrement.

Télamon réfléchissait en tenant le parchemin fermement.

Je veillerais à détacher des fonds pour cette enquête. Gérez cette situation avec discrétion, je ne veux pas que la population soit embrigadée plus qu'elle ne doit l'être. Si l'auteur est isolé, la situation serait plus... "favorable", par contre si une organisation est derrière tout ça...

Le nom de la Rose Noire fit surface, mais il se tut.

... nous aurons du pain sur la planche et des têtes à faire tomber.

Seigneur Ascagne, Avez vous des propositions complétant les miennes ?

J'accepte de remplir cette tâche, et je propose de commencer, en bloquant les reseaux sous terrains de Port Sar. Envoyons des gardes surveiller chaque taverne, et interdisons toutes réunions.
Je pense qu'il ne sert à rien de cacher cette affaire puisque tous les villageois sont déjà au courant, aussi, pouvons nous au contraire offrir récompense à ceux qui dénoncent les coupables.. ou qui les punissent.
Pour une fois d'ailleurs je crois que quelques mercenaires ne seraient pas de trop.

Je pense qu'il est nécessaire de garder la confiance de la population en prenant des mesures qui ne confonderont pas l'image de la Gouvernance.

Le regard de Télamon en disait long sur le fait qu'il souhaitait que cette affaire soit résolue avec de grandes précautions.

Le peuple ne doit pas être intimidé par de trop grandes mesures pouvant le faire basculer vers l'autre parti.

Envoyez les Gardes dans les souterrains et acentuez les rondes dans les quartiers pauvres de Sâr, mais évitons de trop compromettre notre image.

Télamon avait bien fait de tester le général pour voir jusqu'où il irait. Il lui faisait confiance, mais savait que la Muraille avait des résolutions bien... peu discrètes et peu fines par moment.

Je mesure l'importance de la situation et je mesure aussi l'impact de nos actions sur les Sâriens.

Envoyez un homme de confiance infiltrer cette cour des miracles et engagez les Condottières si nécessaire. Informez moi avant.

Soyons vigilants, tenez moi au courant dés que vous avez du nouveau...

5 Kern 56, Bas quartier

Cinq mois s’étaient écoulés ...
Depuis, par deux fois le couperet de la Haute Cour des Miracles s’était abattu sur la tête des gardes Sâriens. L’ombre de Télamouche Ier flottait au dessus des Bas-fonds. Son discours restait inchangé : il exhortait le gouverneur factice à déposer les armes et à s’enfuir du port. Ses éloges démagogues, peu à peu, avaient poussé le peuple crasseux des taudis à amasser armes et victuailles en prévision du jour où Télamouche marcherait contre Télamon. Ce jour arriverait prochainement …

Il faisait chaud, l’atmosphère était électrique, lourde, orageuse … Les violentes tempêtes et leurs violents coups de Tonnerre seraient au rendez-vous.

Extrait des « rapports » de L**** :

30 Keithan 56 : mandaté par le Gouverneur pour rassembler toutes les informations nécessaires aux démantèlements des « têtes » de l’organisation de Télamouche Ier.

15 Elésias 56 : première rumeur depuis le 28 Keithan. Il semblerait que Télamouche Ier réapparaisse pour un nouveau procès. L’ordre du Gouverneur est formel : en apprendre plus sur l’organisation ; je verrai à ce moment-là.

28 Elésias 56 : j’ai assisté au procès de la Haute Cour des Miracles cette nuit. Télamouche semble être un fin orateur, il arrive à manipuler les foules. Il promet tant à ces gueux que le sang leur monte à la tête. Le procès est une farce énorme et gigantesque. Que Bienveillance prenne en pitié l’âme de cet homme …

15 Khalis 56 : la tension sous-jacente régnant dans les taudis depuis quelques mois est entrain de sourdre. Le peuple n’a que haine à la bouche, haine dirigée de plus en plus vers le Gouverneur. La présence des hommes de la Garde Sârienne rassure et convainc les plus indécis de rester dans le droit chemin.

17 Adalis 56 : nouvelles rumeurs d’apparition de la Haute Cour des Miracles. Enfin du nouveau. A force de patience et de ruse, un groupe d’homme du quartier semble m’accepter parmi les leurs. J’ai dû renier un nombre incalculable de foi mon allégeance au Gouverneur mais le jeu en valait la chandelle. Ils se nomment les « Fils de Sâr » et prétendent avec l’aide de Télamouche renverser Télamon au profit d’une république. Ce ne sont que de petits intermédiaires, ils ne font que colporter la peur et la haine. Ils sont la cause de cette tension …

7 Eliath 56 : j’ai acquis toute la confiance du groupe. A tel point que j’ai été mis en relation avec l’organisation de Télamouche. Je ne l’ai pas vu directement. Ils s’appellent la « Ronde des Masques » et tous les hommes portent des masques. J’ai eu droit au même discours révoltant et dû acquiescer.
Sous peu il y aura un nouveau procès.

28 Eliath 56 : ils sont venus me chercher cette nuit. Pris à l’improviste je n’ai pu qu’obéir. J’ai aidé à mettre en place le procès ce soir-là. Je sais exactement de quelle manière ils procèdent. Content de la prestance et de l’aide des Fils de Sâr, la Ronde des Masques nous a invité en son repaire -comme après chaque jugement. Cette partie nécessite que je m’y attarde plus.

***

Après avoir traversé plusieurs cours discrètes nous entrâmes dans une bâtisse. La pièce principale était sale et désordonnée. Mû par l’habitude, chacun se détendit et commença alors une fête improvisée. Télamouche et ses émissaires (Arlequin, Polichinelle, Guignol et Pimprenelle) n’étaient pas là. Il ne restait que les sbires négligeables ; ils ne retirèrent pas leurs masques, s’amusant « d’être déjà habillé pour la fête » et trouvaient la situation cocasse. Les cris allaient bon train et l’alcool coulait à torrent. Je pus inspecter discrètement la pièce et celles annexes. Je n’ai trouvé aucun papier, aucun signe : je m’y attendais. (Toutefois je puis assurer que cette pièce principale leur servait de bureau aux vues des diverses marques laissées sur la table.)

Cependant alors que je me dirigeais vers la porte du fond de la pièce principale je m’aperçu que celle-ci était cloîtrée. Je sentis une présence à l’intérieure puis après diverses examinassions je fus convaincu qu’une personne y était séquestrée. La respiration étant saccadée, haletante. Ne pouvant rester d’avantage je me mélangeais aux hommes, n’absorbant que le moins possible d’alcool. La suite de la soirée fut enrichissante.

Un de mes voisins masqués totalement ivre finit par me divulguer « malgré lui » ce qu’il savait. Ainsi le nom de la « Compagnie du Commerce » est-il tombé et ceux de plusieurs de ses membres parmi lesquels : le Chevalier Nicolas d’Emerande et le Chevalier Romald Kuand comme faisant parti des têtes du réseau. Je restai incrédule ; mais la suite me fit pâlir davantage. Dans la nuit du 7 au 8 Kern 56, Télamouche comptait donner l’assaut contre la garnison de Prison de Sar et de libérer tous les « élus ».

La suite vous la connaissez. Nous nous sommes séparés et je ne pus que fausser compagnie aux Fils de Sâr que dans la nuit du 1er Kern. Je savais que les deux organisations devaient se rejoindre j’en profitai pour passer dans le repaire de la « Ronde des Masques ». Il y avait des gardes mais je puis vous assurer qu’aucun d’eux ne m’a vu entrer ni ressortir. J’ai pu ainsi délivrer la prisonnière. Celle-ci s’appelle Edna et est la femme de Télamouche. Nous sommes le 2 Kern et je suis accouru aussi vite que j’ai pu.

***

« Compte-rendu et bilan » de L**** :

Le témoignage d’Edna a confirmé les propos du garde ivre -depuis sa cellule elle pouvait entendre des bribes de conversations. Il semblerait que la Compagnie du Commerce est fomentée ces exactions. Je ne connais pas leur but mais j’ai constaté que les ventes d’armes et de denrées s’étaient intensifiées et pourraient être un des motifs à l’origine de cet acte. Une autre hypothèse pourrait être de lancer le discrédit sur une guilde rivale. Je ne pense pas que la Compagnie du Commerce ait voulu réellement vous renverser.
Télamouche et ses émissaires (Arlequin, Polichinelle, Guignol et Pimprenelle) n’étaient que des acteurs dont la famille était menacée. Ils jouaient un rôle imposé par l’organisation. Il semblerait qu’après le premier procès ils aient dû « renouveler » leurs acteurs ceux-ci n’ayant pas cédé au chantage. Je préconise de donner l’assaut dès que possible, je vous conduirai.

Ce sont les faits que j'ai relevé. Libre aux lecteurs de forger son opinion.

Nuit du 6 Kern 56, Place des Condamnés

Les chariots avançaient silencieusement, brinquebalant sur les pavés et forçant quelques passages boueux et dont la pierre cassée et volée faisait affleurer quelques parcelles de terre humide et crasse. Les hommes en noir de la Garde de la Prison de Sâr dirigeaient le convoi comme à l'accoutumé et faisait en sorte qu'aucunes interventions extérieures ne puisse venir compromettre leur travail. La lune était presque pleine et tous pouvaient voir parfaitement dans une ambiance effrayante.
L'homme à cheval, de noir vêtu et le long manteau recouvrant son armure de cuir de fortune, ainsi que sa tête d'une large capuche donnant un aspect sinistre, restait immobile alors que les charrettes, chariots et prisonniers enchaînés se dirigeaient vers la porte de la haute et glauque Prison de Sâr.

Les mains posées sur le pommeau de la selle, lui permettant de se pencher en avant pour mieux voir la scène, il regardait un à un les visages des hommes en haillons, blessés ou fatigués, titubant et trébuchant dans le noir, vers leur dernière demeure.

Un crachat suivit le rapport qu'un Garde Noir lui présenta.
La Garde Noire était la deuxième Garde de Sâr après celle du Palais. Elle était composée des soldats travaillant à la Prison et dans certaines parties Nord de la ville. Généralement efficace, elle disposait d'une réputation de Garde sombre et intransigeante. La farce voulait que la Garde Blanche du Palais et de la ville soit la Garde du Bien et la Garde Noire, celle des sombres besognes...

Quelques heures plus tôt, La Garde Noire, aidée de la Garde Blanche, avait intercepté dés l'accostage d'une galère, tout un équipage suivi d'un bon nombre d'hommes armés dans les cales. La rafle avait été perpétré avec beaucoup de minutie et avec prudence, le quartier autour de la jetée bouclée et la plupart des yeux et oreilles écartées pour ne point ébruiter l'évènement.
Une rafle se voulant discrète et pourtant qui faisait parlé d'elle et qui n'avait pas empêché quelques personnes d'assister à l'intervention forcée sur le pont du navire. Il avait lui même fait le premier pas sur la galère, faisant valser un marin récalcitrant dans des cordages et des rangées de rameurs avec fracas.

Au nom de Port Sâr, vous êtes accusés de piraterie et de haute trahison envers Edénia et la Gouvernance !

La saisie était belle, une bonne cinquantaine d'hommes, plus les marins et intermédiaires attendant sur les quais depuis l'aube. Immédiatement enchaînés et matés, ils prirent le chemin de la Prison.

Et les voilà tous pleurnichant et faisant leur marche vers les cellules froides et humides de la Prison en pirates, contrebandiers et malfrats en tout genre...

Il serait ensuite conduit dans la partie des cellules qu'il avait pris soin de réservé et dans les salles d'interrogations et de tortures comme convenu. Les quelques cris qui en ressortiraient, seraient un vrai plaisir à l'oreille de la Prison et l'on entendait déjà la longue et lancinante plainte de certains détenus attendant la mort ou la libération avec espoir...

Partant au pas vers les rangées de prisonniers entrant sous la grande herse des hauts murs de la Prison noire, dont les pierres étaient renforcées de barres de fers empêchant toutes tentatives de poser des échelles, il fit signe à l'un des Gardes de faire attention à l'arrière et que personne n'intègre la ligne d'enchaînés.

La Gouvernance avait été clair, la Prison ne tomberait pas et les prisonniers ne sortiraient pas. Pourtant, deux prisonniers l'ayant intégrés il y a de cela quelques heures étaient des espions potentiels pouvant renseigner le Palais si l'opération de Télamouche venait à réussir. Il avait lui même choisi ces deux hommes...

Jansen tira sur la bride et entra à son tour à l'arrière du convoi. Devant lui, le dernier chariot d'armes et d'armures avançait, chaloupant sur les rainures des milliers de passages de roues et de convois similaires.
Le plan était bon, nul ne pouvait croire que les marchandises confisquées de la galère devaient équiper son équipage sous ses propres ordres. Une vaste opération couverte menée par le Capitaine de la Prison, de la Garde Noire de surcroît, et sous ses ordres, Lieutenant de la Garde du Palais.

La Prison augmentait ses effectifs et personne ne le voyait... Jansen doutait toutefois que ce soit suffisant...

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Télamon regardait Sâr du haut du balcon de la Haute Terrasse et son regard était tourné vers le Nord... La Prison majestueuse et terrifiante semblait calme et Port Sâr dormait dans la plénitude de ce mois de Kern.

La lune baignant les toits et ruelles de son halo fantomatique lui permettait de mieux distinguer les formes dans cette nuit déjà avancée.

La Garde du Palais était aux aguets et le Seigneur Ascagne avait été prévenu de bien mettre en veille ses hommes pour la nuit du 7 au 8. Sâr serait prête à faire face si action il y avait.
Et même si Télamouche, ou plutôt l'organisation derrière cette Cour des Miracles, n'intervenait pas ce soir, le seul fait de mettre en alerte la ville dans tant de discrétion et de prudence était un exercice à ne pas léser.

Télamon hésitait, il était vraiment inconcevable que la Guilde du Commerce soit derrière tout ça... Pourtant, il ne fallait rien mettre de côté. Edna avait été retenue ici même pour ne point attirer l'attention... Et si Edna était un piège... Non, il ne fallait pas résonner ainsi, L***** repartirait pour plus d'informations, en espérant qu'il ne soit pas démasqué. Sa mort serait une défaite effroyable... Voilà pourquoi il avait réclamé d'autres potentiels informateurs par le biais de la Prison et la Musardière...

La nouvelle section du Palais avait misé son efficacité dans la prise d'information et la défense de l'information du Palais. Le Contre-espionnage devenait une priorité tout autant que l'espionnage...

8 Kern 56, extérieur de Sâr, après-midi :

La journée était chaude, l’air collait à la peau. Dans les champs chacun travaillait torse nu et ployait sous le soleil ardent. C’est au détour d’une ornière que Jame découvrit les corps et la lettre. Jame ne savait pas lire mais il comprenait aisément qui était ces personnes : Télamouche Ier, Arlequin, Polichinelle, Guignol et Pimprenelle, et d’autres pauvres diables masqués ou non. Alertant les autres villageois ceux-ci peut à peut devinrent hystériques et piétinèrent les alentours avant de prendre la direction de la ville.

La rumeur alors s’empara des Bas-fonds. Télamouche et les siens avaient été assassinés, par qui d’autre que par Télamon ? Le quartier rapidement s’émeut. Certains refirent le monde et en fin de soirée il se trouva une poignée d’inconscient partant donner l’assaut de la prison. Sans leader, le gros de la population avait préféré ne pas s’en mêler et l’attaque n’était motivé que par l’inconscience de la jeunesse. Ceux-ci n’étaient que maigrement armés, parfois n’allant qu’avec de simple pierre. Inutile de préciser que cette piètre troupe ne pourrait jamais faire frémir les contingents de Sâr.

Ainsi l’organisation avait-elle été éliminée, il ne restait aucune trace vivante des protagonistes et malgré ça Télamouche avait tenu parole : la prison était prise d’assaut.

Jansen voyait les inconscients prendre la pas vers les portes closes de la Prison. Inutile de dire qu'il n'était pas nécessaire de faire couler le sang ce soir...

Les portes s'ouvrirent alors que des Gardes Noirs prenaient place en face de celles-ci retenant à bout de piques et en rangs serrés la population effarouchée.

Jansen à cheval et sous son manteau prit la parole devant la populace, les invitant à cesser immédiatement sinon les arrestations seraient inévitables et que malheureusement les geôles crasses et froides n'étaient pas ragoûtantes le moins du monde.

Il fallut tout de même faire quelques arrestations et il y eût un débordement par quelques courageux armés de haches et de couperets : des bandits écervelés vraisemblablement...

Le calme reprit place bien rapidement malgré la catastrophe évitée de justesse...

~~~~~~~~

Télamon avait été dupé et il rappela l'espion et invita Sâr à ne point verser le sang...

Télamouche était mort... Le problème était grave, il n'avait pas identifié l'organisation sous-jacente et il ne pouvait se permettre de décrédibiliser Télamouche déjà bien ancré dans les esprits comme un martyre.

Il sourit.

L'adversaire était de taille. Il savait qu'il avait perdu bien plus ce soir qu'une simple bataille de résonnement.

Il convoqua Taegus pour en parler en privé...

18 Kern 56, Port Sâr

Les gros orages du mois de Kern s'en allaient. Les bas-fonds s'étaient peu à peu calmé. Tout du moins la fureur avait-elle baissé d'un cran. Les gardes de Télamon avaient réussi à ramener un calme relatif dans le quartier -le couvre feu y aidant bien.
Certains essayaient d'oublier les derniers évènements ; d'autres au contraire s'efforçaient de tirer profit du dernier scandale. C'était le cas de l'imprimerie et du journal "l'Ardent". Journal célèbre pour ses prises de positions controversées et polémiques : les esclandres faisaient vendre. Le dernier numéro se vendait comme des petits pains.
Il faut dire que le gérant avait eu du flaire en croisant Jame ce jour-là. Il n'avait tout d'abord pas cru à son histoire. Puis voyant l'attroupement mémorisa du mieux qu'il put la lettre -qu'il lut à la populace- du soi-disant Télamouche. Aujourd'hui sa publication dans son journal avait fait de l'effet : de toute part on accourait pour lui acheter sa feuille de choux. Le début de la fortune.

PAGE 4, testament de Télamouche Ier dit "le Roi légitime de Port-Sâr" :

Notre travail en ce monde
Fut de courte durée et malheureusement
N’est pas encore achevé,
Au preux ayant attaqué la prison nous disons :
La mort n’est rien ; l’idée reste …

Que notre peuple
Ne nous pleure pas et à notre enterrement
se prépare. Au rappel, aux bis
Nous ne pourrons répondre.

L’Ombre de Télamouche,
À la lumière s‘éteint ;
L’Ombre de Télamon
Sur Port Sâr s’étend .
Pour un ultime acte
Nos âmes aux cieux
Se retrouveront.

Télamouche Ier, Roi de Sâr

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