Arrivée d'Aristide

Vers la fin de l'année 66, avant de partir pour le Cap et assister l'Intendant Basseterre à gérer les conflits qui agitaient la région, le jeune Aristde se rendit jusqu'à Port-Sâr, là où il traversa péniblement artères de la capitale édénienne, pour gagner le vaste temple de la connaissance coloniale, l'Académie Coloniale.

Il avait ouï dire que les seigneurs de l'Académie prenaient la poussière, et que la guilde, autant quel'établissement en lui-même étaient laissés à la gestion des scholiastes. Cependant, il lui paraissait important de préparer son avènement, dut-il survenir bien des années plus tard, et se rendre sur le terrain pour observer la déplorable et injuste situation de l'Académie par ses propres yeux. Lorsqu'il toqua aux portes de l'établissement, il fut accueillis par un homme de grande taille et bien charpenté, qui semblait cacher sous ses airs bourrus le charmes des professeur de cette nobles institution.

" Pardonne Son arrivée imprévue, brave scholiaste. Son nom est Aristide d'Emerande, et Il souhaite rencontrer les gérants de l'Académie. Il a une intéressante proposition à leur soumettre. "

_ Tu m'a pas l'air bien frais petit. Quoiqu'il en soit entre.


_ J'espère que la fumée ne te dérange pas, sinon ouvre la fenêtre.


_ Vois-tu, mon gars, l'Académie est en crise en ce moment. C'est moi qui assure le post d'Ordonnateur Principal pour l'instant. Il y a autant de personne que d'étudiants pour un cours de langue khorélienne.

_ J'espère que ce que tu as à me proposer en vaut la peine.

Lorsque l'autre annonca sa fonction au jeune noble, Aristide réalisa qu'il n'avait pas affaire à un scholiaste.

" Aristide n'est plus étudiant depuis quelques années. Il a acquis suffisamment d'expérence pour la mettre à profit. Désormais, Son objectif et de participer à la gestion de l'Académie. Il déplore ne pas encore posséder ses propres terres, mais Son oncle est généreux. Il aidera surement... sans le vouloir. "

L'autre se balancait sur sa chaise et l'observait comme s'il lui accordait autant d'importance que ses premiers poils de barbe.

" Aristide n'a pas grand chose à proposer. Pas encore. Mais Il n'est pas venu seul, loin s'en faut. Aristide a amené son esprit et sa vivacité avec lui. Il espère que cela suffira pour le moment. "

Il croisa les bras et rendit son regard à son interlocuteur, se dressant avec fierté pour appuyer sa proposition.

_ Sacré gamin !


_ C'est d'accord je te prends. J'espère bien que tu as amené ta matière grise car je ne donnerai pas chère de nos peaux si tu devais nous défendre. Dis-moi quels sont tes domaines de prédilection. Je reviens d'un long voyage en pays Huantar où j'ai pu en apprendre plus long sur ces culs-terreux. Vois-tu, pour pisser ils font ...


_ Au passage je suis Horn Erthe, de la maison des De Valefor. Je dois connaître ton nom petit afin de l'inscrire dans les registres. L'Académie en ce moment est dans la bouse, les nobles ont profité qu'on avait le dos tourner pour prendre leurs aises. Ils détruisent jour après jour nos sujets d'études. Où va t-on retrouver des Huantars s'ils continuent les guerres ? Crois-moi les temps sont durs, petit. A croire que Bienveillance nous a déféqué dessus. Notre objectif principale est de retrouver la confiance du Gouverneur. Que proposes-tu ?

Aristide n'avait pas aimé que ce gros type éclate de rire, mais sa tape amicale, quoiqu'un peu rude, et son flot de paroles continu l'avait rassuré sur la confiance que cet homme lui inspirait.

" De Valefor, vous dites ? Alors je crains que Vos familles respectives ne se soient battues par le passé. Son oncle est Nicholas d'Emerande, Haut-Régent de la Compagnie. Vous connaissez, je suppose ? Enfin, Lui se nomme Aristide d'Emerande. Mais Il préfère Aristide d'Isabella. Ou encore Aristide tout court, cela ne rend hommage qu'à Lui. "

Tandis que l'autre lui narrait les mésaventures de l'Académie, Aristide avait observé les lieux.

" Cela Lui fait tout drôle. Il a l'impression que deux nouveaux se retrouvent en un endroit inconnu, livrés à eux-même. C'est un défi exaltant pour Aristide ! Plus dure à redresser sera la barre, et plus méritoires seront Ses efforts ! Que les dieux Le gardent de l'erreur... et vous aussi, bien entendu. "

Puis il réflechit.

" Il ne sera pas dur de retrouver la confiance du Gouverneur. Son oncle possède une province qu'Il a su aménager, Il doit le reconnaître, non sans déployer de grands efforts. Télamon serait certainement plus disposé à pardonner les frasque de nos prédécesseurs si Vous consentiez à augmenter l'impôt que Vous lui versez déjà. Enfin, ce n'est pas pour tout de suite. "

Il réflechit à nouveau. Les doigts de sa mains gauche se posèrent sur son front, tandis qu'il inclinait la tête dans un geste ostentatoire. Puis il redressa soudainement le chef et claqua des doigts.

" Aristide a une autre idée. La guerre fait rage en ce moment. Si Aristide parvient à conserver la Province sans requérir l'aide du Gouverneur, celui-ci discernera Ses qualités. Malheureusement, la Province ne Lui appartient pas..."

Il affiche une mine déçue, puis son visage rayonna à nouveau.

" Bah, offrez-lui une babiole en signe d'allégence, et promettez-lui de redresser cet établissement. Ce ne sera déjà pas mal. Et puis, Il propose également d'envoyer aux grandes familles de la colonie une offre pour le financement des études. Baissez les tarifs, les étudiants reviendront. Y compris en langue Khorélienne. "

_ Chevalier Aristide, la forme de tes paroles heurte mes oreilles mais son fond n'est pas dénué d'intérêt.

_ C'est vrai que certains membres de nos familles ne s'aiment pas. Pourtant je n'ai aucune rancune contre-toi, à plus forte raison maintenant car tu fais partie de l'Académie.


_ Voilà ce que nous allons faire dans un premier temps. Nous irons dès demain présenter nos salutations à Télamon en tant que nouvel organisme de l'Académie. Il va de soi que nous devons trouver un cadeau.
Nous appliquerons la seconde partie de ton plan : il est temps de partir à la chasse aux étudiants ...

Aristide sembla étonné.

" La forme de Ses paroles ? Je ne vois pas ce qui vous choque dans Sa manière de S'exprimer. Aristide parle avec aisance et fluidité, après tout. "

Le jeune noble sembla un peu vexé. Il s'était tellement habitué à son parler qu'il n'avait pas réalisé qu'Erthe ne critiquait pas son élocution.

" Il va donc quérir ce présent. Cela ne doit pas être bien dur à trouver pour Lui. Que diriez-vous d'un livre rare ? Non, cela est trop commun pour Télamon et Aristide. Et ces paires de binocles que certains artisans réalisent avec tant d'habileté ? Non, le Gouverneur penserait qu'Il critique sa vue. Non ! Il tient son idée. Il lui offrira des fleurs, des fleurs magnifiques. Cela, Télamon ne doit pas l'avoir souvent vu de la part de ses vassaux. "

_ Chevalier Aristide, as-tu vu comme moi ? Il semblerait qu'un malandrin se soit glissé au sein de nos murs. A son allure il ne s'agit point d'un scholiaste, est-il venu nous détrousser ? Aaa le truand ! aux armes bandes de vauriens, on nous vole et vous restez là le cul béant ...


_ Ordonnateur Principal, il s'agit du Chevalier Kelhor'Hestre. Tout comme vous, il nous a servi de chef d'expédition ...

_ Faquin ! Pourquoi ne me l'as tu pas dit plus tôt. Viens Aristide allons trouver cet homme.


_ Chevalier Hestre, l'on m'a beaucoup parlé de toi. Je suis Horn Erthe, le nouvel Ordonnateur Principal de cette académie. Désormais c'est moi qui mandaterai tes expéditions s'il y a matière à en faire. Je suis désolé de te recevoir dans de tels conditions, Chevalier, mais comme tu le sais l'Académie est en crise budgétaire : mes prédécesseurs ont dû prendre leurs livres de compte pour des oreillers. J'aimerai que nous clarifions votre statut au sein de notre faction.


_ Comme je te le disais nous manquons cruellement d'argent en ce moment et nos relations avec le Gouverneur ne sont plus ce qu'elles étaient. Nous irons bientôt d'ailleurs lui rendre visite. Nous ne pourrons réemployer tous les éclaireurs que nous avons mandaté faute de pécule. Evidemment cela ne te concerne pas étant donné ton brillant travail. Je n'irai pas par quatre chemin : la trésorerie m'inquiète à tel point qu'il nous faut découvrir des connaissances pouvant rapporter de l'argent.


_ Je manque à tous mes devoirs Chevalier, puis-je t'être d'une quelconque aide ?

Des cris derrière lui... Etrange en ces lieux qu'il cotoyait si souvent auparavant.

Son retour de l'expédition mandatée par le Gouverneur, cette expédition sans la présence de l'Académie avait fait bénéficier pourtant de celle-ci de toutes ses recherches et découvertes.

Talen et le chevalier avaient eu un accord auparavant. Les cartes qu'il fournissait à l'Académie avaient permis de lui donner accés à la bibliothèque et de disposer de sa loge dans les "hautes sphères". Travaillant avec les scholiastes, il n'avait pourtant jamais arboré les couleurs de ceux-ci et ce, par volonté propre de garder les Hanses en dehors du jeu des alliances des guildes. Néanmoins les choses changeaient, et il aurait bientôt à choisir la voie pour son peuple.

Il se retourna le regard sévère comme troublé dans ses pensées par un malandrin. Devant le scholiaste, il reprit pourtant un visage neutre et un sourire se dessina en coin comme peu habitué à un tel naturel.

Ordonnateur Erthe,

Je vous salue et vous signifie mes félicitations pour la place que vous occupez dés à présent.
Je vais vous répondre, car le statut qu'est le mien ou celui des Hanses qui était connu principalement de l'Ordonnateur Talen, parti depuis...

Les expéditions des Hanses sont financées principalement par Haute Crique. Il était rare que nous fassions une demande à l'Académie.
Comme vous devez le savoir, le Gouverneur avait demandé à ce que je... lui rapporte certaines informations sur les nouvelles terres d'Edénia. J'ai fait profité de l'Académie mes le fruit de mon travail sur les indigènes et quelqu'autres aspects des nouvelles terres.

Peut être ai je fauté en pensant être à nouveau autorisé à entrer dans l'Académie. Les moeurs peuvent changer, je me suis absenté durant de nombreux mois.

J'accepterais naturellement de ne plus avoir accés à ma loge et à la bibliothèque.

Kelorh' Hestre eut un moment de latence puis reprit...

Les recherches des Hanses, aussi bien faisant parti ou non de l'Académie, ne doivent pas être sujettes à une quelconque attraction du gain monétaire. Je travaille pour donner à Edénia la connaissance, à pérenniser nos relations avec les indigènes. Les idées novatrices de l'Académie ou le fruit des recherches des scholiastes peuvent apporter certes l'argent indispensable au bon fonctionnement de l'organisation, pourtant je regretterais que la recherche devienne un moyen de rentrée d'argent avant le but initial de l'Académie.

Il semblait bien plus rustre et costaud que le reste des scholiastes, certains auraient pu le voir comme noble de l'Armée Coloniale, et encore un noble aux coutumes et à l'accoutrement digne des anciennes civilisations de Khorel.


Je viens quérir des informations sur les tribus Huantars. J'ai lié bon nombre de liens avec les indigènes et je souhaite m'imprégner de certains faits connus des scholiastes.

J'ai d'ailleurs quelque chose qui pourrait vous intéresser...

Il sortit une carte d'un étui et la déroula pour lui montrer, tenu par le plat de sa main, une partie de celle-ci.

Notez en noir, les différents sites découverts. Ce sont des ruines dont l'érosion variable des détails de la roche peut signifier un âge très avancé. L'ancienne Khorel, si ce n'est avant... Des constructions de pierre, des bâtiments ou des temples...

_ Par le grand Keldan ! Il faudra que tu m'explique plus en détail tes découvertes, Chevalier : elles semblent de taille. Mais revenons à nos moutons.

_ Seigneur Hestre, il n'est pas dans mon intention de te barrer l'accès aux sources du savoir que représentent la bibliothèque. Toutefois pour être venu ici fréquemment, tu auras remarqué l'état de désuétude des lieux. Je te demanderai de réfléchir à ton adhésion au sein de notre groupe, plus il y aura de membre et plus nous pourrons subvenir aux besoins de l'Académie sans de pensées bassement terre à terre. Ces pensées je les rejette tout comme toi mais dans l'état actuel elles sont ma principale préocupation : l'argent fais tourner chaque roue de notre existence. L'Académie ne se nourrit hélas pas d'idée mais de pièces sonnantes et trébuchantes

J'y réfléchirais en effet... Mais je garderais toujours à l'esprit, pour me répéter que l'Académie se nourrit d'idées et non de pièces sonnantes et trébuchantes.

Pour lui tout était décidé. Il serait un membre de l'Académie et il pourrait contribuer tout en préservant la culture des Hanses à renforcer Port Sâr et son influence.

Saluant le noble Aristide, il s'inclina devant la personne qui semblait être disait-on le nouvel espoir des Emerandes.

_ J'attends ta décision avec hâte, Chevalier.