Donnations à l'Académie

Le chevalier Romald de Formague n'aimait guère ces visites diplomatiques mais faisait de son mieux pour ne rien laisser transparaître de ses pensées ; le grand ordonnateur Talen était un homme précieux pour Edenia malgré certaines décisions plus que discutables et il serait certainement un interlocuteur intéressant dans l'affaire qui l'occupait. La compagnie du Commerce s'était souvent heurtée à ce personnage sur le sujet des indigènes et certaines frictions plus que tangibles avaient peu à peu séparé les deux organisations au grand dam des académiciens qui tiraient souvent leurs financements de mécénats commerciaux.

"Je souhaiterais m'entretenir avec messire Talen, nous avons convenu d'une rencontre sujette aux différentes donnations que l'Académie a pu contracter récemment."

Vêtu d'une élégante tenue rouge qui avait dans sa jeunesse fait sa réputation de coureur de jupons, le vieux chevalier n'était plus désormais un concurrent pour qui que ce soit dans les conquêtes féminines mais se plaisait à jouer de son expérience et de quelques restes de charme pour parvenir à ses fins. La jeune étudiante à qui il s'adressait saurait très certainement le conseiller et le guider dans l'Académie, cet aspect tout professionnel ne retirant rien à ses charmes.

Il est étrange de remarquer que, lorsque la jeune académicienne fit son entrée dans la grande bibliothèque, suivie du Seigneur Romald Kuand, les nobles étudiants présents se retournèrent sur son passage. Il est à dire pour leur défense que trop peu de ces jeunes demoiselles ne fréquentaient les rayons de bois contenant le savoir ancestral de l'Académie. Talen donna une petite tappe sous la machoire d'un jeune étudiant qui était bouche bée...


"Seigneur Kuand! Quel plaisir de vous voir parmi nous! Mais asseyez-vous je vous en prie!"
Talen congédia d'un simple geste les nobliaux présents, et ceux-ci partirent avec l'air boudeur d'un enfant que l'on a privé de dessert. La jeune étudiante, sans doute plus potiche que les autres n'avait pas compris la teneur des propos silentieux de Talen et était resté de marbre lorsque les autres avaient en silence laissé les deux seigneurs seuls. Talen, résigné, lui fit signe de s'approcher et lui demanda de lui apporter du vin de la meilleur qualité.


Qu'au moins elle serve à quelque chose, pensa Talen.
Se tournant vers le seigneur Kuand...
"Alors, Monseigneur, que désirez-vous de moi?"

Le chevalier de Formague laissa l'académicienne s'éloigner avant de se tourner vers son hôte, il admira au passage les splendeurs du lieu et laissa son regard s'attarder sur quelques ouvrages particulièrement exposés devant probablement contenir de ces merveilles que les académiciens se plaisent à entasser.

"Monseigneur, je viens m'entretenir avec vous de votre récente prise de position en faveur d'une expédition hors des limites d'Edenia. Cette décision coïncidant avec mes objectifs et ceux de la Compagnie, je me suis permis de vous faire parvenir une modeste contribution à votre action en faveur des Edéniens."

La jeune étudiante choisit alors cet instant de la discussion pour en interrompre le cours au froissement de l'étoffe de ses vêtements. Le chevalier ne lui accorda aucun regard préférant se consacrer à plus important qu'une simple fille comme il en existe des centaines et se pencha un peu plus vers le Grand Ordonnateur.

"Au cours de nos échanges par missive vous avez émis l'idée qu'une rencontre pourrait s'avérer plus intéressante que le simple "anonymat partiel" de l'encre et de la plume. J'ai donc sauté sur l'idée et me voici."

"Bien bien! Posez le tout ici je vous prie, et vous pourrez sortir... Je n'oublie pas notre affaire, mon cher ami!"

Talen sourit et se pencha en avant, comme pour plus de discretion...

"Je vous ai fait venir car je pense que la Compagnie serait heureuse de savoir que ce qu'elle cherche depuis longtemps est enfin en ma possession.

Talen semblait attendre de l'impatience, ou un quelconque signe d'agacement ou d'attente dans l'attitude de Kuand, mais il fut déçu.

"Reprenons. Je suis en effet l'heureux propriétaire de cartes, donc certaines pourraient vous intéresser..."

Talen se leva, et alla frapper à la porte latérale qui donnait sur de longs couloirs sinueux. Il fit sursauter l'académicienne qui se trouvait à l'écoute de la conversation.

"Allez me chercher le paquet qui se trouve sur mon bureau... Au plus vite!"

L'élève rougit de honte et escalada les marches quatre à quatre. Talen revint s'assoir près de Kuand.

"Je devrais faire plus attention aux jeunes qui viennent s'instruire à l'académie. Je serais infesté d'espions que ça ne m'étonnerait pas."

La jeune demoiselle revint dans la bibliothèque, portant un long objet cylindrique contre elle. L'oeuvre, de belle facture, et scellée avec soin, semblait receller des documents précieux.

"Bien, sortez vraiment maintenant! Revenons-en à nos cartes. Les voici!"








Talen regarda le seigneur Kuand en attente de sa réaction...

Romald Kuand se permit un léger sourire quand son interlocuteur fit une allusion aux espions qui infestaient l'académie et se rappela de féliciter l'un de ses amis, académicien en herbe, quand il le verrait. Edenia n'était après tout qu'une gigantesque toile d'araignée où chacun tentait de tisser son réseau de relations et le chevalier se plaisait à considérer les causes et idéologies comme autant de coffres vides aspirant les pièces d'or d'où qu'elles puissent venir. Ainsi allait le monde.

"Il est d'usage en effet chez ces jeunes gens de glaner quelques précieuses sources de revenus quand elles leur tendent les mains. Je ne saurais cependant blâmer un quelconque manque d'attention de votre part, l'argent doit circuler pour qu'Edenia puisse vivre et il appartient à chacun de savoir maintenir les poches de ses disciples pleines pour qu'ils ne soient tentés de visiter autre crèmerie."

Il sentit que son discours ne trouverait que peu d'échos chez le Grand Ordonnateur Talen, plus penché sur la valeur du savoir et de la connaissance que sur celle des marchandises. Les causes représentaient probablement des raisons, des fondements à étudier.

"Mais n'écoutez pas le vieux radoteur que je suis. Vous savez, je crois que parfois je vous envie. Votre vie passe par les joies de la découverte, le doux frémissement de la recherche et la lente ascension vers la connaissance, le savoir absolu."

Il se pencha alors vers les cartes que lui montrait son hôte ; ces dernières étaient visiblement assez récentes, moins colorées que quelques-unes de la gouvernance qu'il avait eu loisir d'appréhender mais au combien plus précieuses.

"Ces cartes sont étonnament précises, messire, vous êtes un interlocuteur fort surprenant. Je ne vous cacherais pas que la Compagnie éprouve sur ces savoirs la même soif d'apprendre que le plus curieux de vos élèves. De telles connaissances représentent pour chaque Edénien une chance pour l'avenir et un espoir de pouvoir un jour voir les couleurs de l'humanité flotter à des milles et des milles d'ici, des échanges entre des civilisations toutes plus florissantes les unes que les autres et cet inconnu sans cesse plus grand que nous percevons."

Les "explorateurs" de la Compagnie avaient fourni quelques données qui permettaient à Romald de Formague de valider la véracité des informations malgré bien évidemment des appelations variables. Il ne s'attendait cependant pas à une telle masse d'informations, les siens préférant généralement les expéditions vers l'intérieur des terres que parcourir des océans plutôt mal fréquentés il ne connaissait l'étendue couverte par les acédémiciens que par quelques approximations, quelques rumeurs et une bonne dose d'imagination.

"Pardonnez mon incompétence mais que représente le tracé sur la deuxième carte ? Les voies navigables ?Les trajets de vos académiciens ?"

Talen étudiait les expressions qu'arboraient le seigneur en parcourant les cartes. Lorsqu'il le vit entrouvrir la bouche il sût ce que Kuand allait lui demander...

"Des routes... Des routes maritimes, les plus judicieuses et sûres que l'on puisse emprunter. M'est avis que ces données sont choses précieuses pour les commerçants que vous êtes..."

Romald Kuand eût un mouvement de surprise à l'annonce de ce que représentait les lignes parcourant la carte, mais il se reprit vite.

"Je savais que cela vous plairaît, mon cher. Toutefois vous comprendrez que nous ne pouvons nous permettre de laisser ces documents sortir de l'Académie. Entre de mauvaises mains, celles-ci pourraient causer des catastrophes!"

Talen espérait que sa fine allusion au sujet des Fils ne serait pas prise à la légère. De même qu'il pensait que la confiance dont il avait fait preuve en montrant de telles merveilles au Seigneur Kuand serait considérée à sa juste valeur...

"C'est pourquoi..." Talen alla encore une fois frapper à la porte, mais cette fois personne ne se cachait derrière , "décidément ils ne sont jamais là lorsque l'on a besoin d'eux" murmurra t'il, en montant les marches à toute vitesse.

"C'est pourquoi, disais-je, nous vous offrons ces copies. Je vous fait confiance pour que vous ne les diffusiez qu'aux gens dont vous êtes sûr..."

_ Parfait, tu as fais le bon choix Seigneur Hestre. Je suis ravi de te savoir parmi nous. Notre mission première à partir de ce jour est de remettre sur pied l'Académie. Après nous procéderons à des élections afin de pourvoir au poste d'Ordonnateur Principal dans les règles.
Ton financement soulagera ma bourse car c'est moi qui payait, depuis mon entrée, les rénovations de l'Académie. Il va de soi que tes deux Hu'Reas seront instruits sans que tu es à verser un sou.

_ Chevalier, selon toi, que devons-nous faire pour rendre l'Académie plus attrayante ?

Kelorh' fit la moue et joignit ses mains dans le dos en faisant ressortir la largeur de ses épaules.

Avant tout je veux reprendre les devoirs que nous avons vis à vis de la population. Je pense que transmettre le savoir de l'Académie doit disposer d'une place majeure dans la société Edénienne et notamment pour la noblesse, les clergés et les instances dirigeantes de la colonie. Nous n'aurons pas les moyens d'instruire la population dans son ensemble donc il faut commencer petit pour grandir.

Suivant ces enseignements, des voies se dessineront.

Ceci est principalement l'un de nos devoirs et inconsciemment je compte sur la notoriété de l'enseignement de l'Académie que je pensais ne plus à prouver, et pourtant... pour attirer de nouveaux apprentis ou scholiastes.

En ce qui concerne l'établissement lui même.

J'ai ouie-dire que le Gouverneur finançait les problèmes de l'aile touchée par les intempéries. Ceci étant fait, il faut que l'art regagne une place dans l'enceinte de l'établissement. Des peintres, tels qu'Alejandro ou des sculpteurs tels que Verrone seront sûrement ravis de disposer d'un lieu d'exposition de leurs oeuvres. Leur rachat ou tout simplement leur donation serait un plus pour l'Académie.

L'arène, comme j'aime à l'appeler...

Le centre de l'Académie, recouvert d'un dôme, aux multiples balcons, étant aménagés en loges, tout autour s'élevant sur plusieurs étages comme un gouffre au sein d'une fourmillière ordonnée de rayons et livres.

... a besoin d'entretien. Nous sommes des gens soigneux, mais le bois et la pierre se doivent de disposer d'attention tout comme l'allée centrale et les grilles extérieures.

Au risque d'insister, je pense qu'il est nécessaire de maîtriser et de toujours se focaliser sur les objectifs de l'Académie de Thaer Finn.
L'Académie n'attire pas par sa beauté, mais par sa mission.

_ L'Académie n'attire pas par sa beauté, mais par sa mission.
_ Et pourtant Seigneur Hestre, ton exposé sur la rénovation des bâtiments est sans équivoque. Le fond et la forme ne sont malheureusement pas dissociables. L'apparence de l'Académie est un témoin de sa puissance et incitera les nobles à venir d'eux-mêmes.


_ J'insiste sur cette classe : l'aristocratie. Je regrette de ne pouvoir éduquer chaque gueux ; il y a temps de cervelle à pourvoir et si peu de scholiaste, si peu de temps : nous nous devons de faire un choix. Il incombe à cette Académie de perdurer et de former l'élite de demain, Thaer Finn lui-même le voulait. Notre but quant à nous est de pourvoir à cette instruction dans les meilleurs conditions possibles et d'apporter continuellement de nouvelles connaissances.
Les cerveaux hâtifs se moquent des idées au premier abord : c'est l'apparence qui les séduit. Il nous faudra compter là-dessus. Notre Gouverneur, l'a lui aussi comprit en nous allouant une somme afin de rénover l'aîle ouest -ce qui sera fait. Je suis entièrement d'accord avec toi, Chevalier, sur la nécessité de ramener l'art au sein de nos murs et je te charge de ramener de nouveaux talents que nous soutiendrons.

Aristide prit la parole.

" Il faudrait déjà prouver que les gueux soient capable de retenir ce que Vous leur enseignez. L'aristocratie, oui, Il est d'accord, au sens littéral du terme. L'Académie doit fournir aux nobles le savoir qui les fera aristocrates. Le lieu de l'excellence, voilà ce que Vous formerez. "

En se tournant vers le chevalier hestre, le jeune noble s'étonna que les membres de l'Académie soient tous de forts et puissants homme, à l'apparence de terribles guerriers, plus que d'individus de savoir. Excepté lui.

" Seigneur Hestre, l'art n'est-il pas le beau ? J'approuve les sages paroles du Baron. Inculquer la connaissance de Vous libère pas de la lourde tâche d'édifier un vaste et superbe édifice. L'Académie est déjà magnifique mais, hélas, Vous manquez de place pour en faire l'écrin de l'art édénien. Tout juste pouvez-Vous entreposer les oeuvre en attendant de trouver lieu plus approprié pour les exposer. Sans doute faudra-t-il songer à s'agrandir ou, peut-être, à utiliser Vos terres pour relayer les effort de l'Académie.

Mais Vous parlez et Vous ne Vous activez pas. Agissez-donc. Aristide propose de se noter les tâche et de les repartir. Il Vous reste à définir un nouveau programme en coopération avec le Doyen des scholiastes, procéder à la restauration de notre bâtiment et mettre en oeuvre le financement des prochaines expéditions. Convoquez une réunion pour discuter de tout cela. "

Kelorh' qui appréciait le jeune Aristide fut soudain frappé par la prétention de l'homme...

Je parlais en généralités, comme vous pourrez vous en rappeler, j'ai insister sur le fait que nous ne devions pas nous concentrer sur les... "gueux".

L'Académie est un très grand établissement, il me semble qu'il y ait assez de place pour disposer de tableaux sur des murs et des scultpures dans le hall d'entrée. Mais bien sûr je suis, tout comme vous je puis en être assurer... prêt à aider l'Académie au niveau de la place ou alors des projets de financement.

Notez aussi que j'apporte à l'Académie d'ors et déjà une contribution qui pourra s'avérer avec le temps, si je puis le dire ainsi, payante.